Les derniers jours du régime des Khmers rouges

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Suite à de nombreuses provocations armées des Khmers rouges, le 25 décembre 1978, le Vietnam déclencha une gigantesque offensive contre le Cambodge dirigé par Pol Pot. 14 divisions vietnamiennes composées d'environ 100,000 hommes lourdement armés et aguerris par la guerre contre les Américains, traversèrent la frontière vietnamo-cambodgienne en plusieurs points. Cette armée était soutenue par des avions et des hélicoptères de combat ainsi que par de l'artillerie lourde.

L’artillerie vietnamienne en action contre les Khmers rouges

L’artillerie vietnamienne en action contre les Khmers rouges

Les soldats khmers rouges combattirent bravement mais furent rapidement débordés par les Vietnamiens plus nombreux et mieux équipés.

Le 29 décembre 1978, Pol Pot, qui recevait une délégation de maoïstes canadiens, leur déclara que les Vietnamiens allaient subir une défaite imminente et que les troupes du "Pacte de Varsovie" étaient impliqué dans l'invasion.

Dès le 1er janvier 1979, le bruit des tirs d'artillerie fut audible à Phnom Penh, faisant trembler les vitres du palais où le prince Sihanouk se trouvait en résidence surveillée.

Le 2 janvier, des commandos vietnamiens franchirent le fleuve Mékong avec des canots en caoutchouc dans l'intention de kidnapper le prince. Ils furent exterminés par les troupes khmères rouges et le prince fut immédiatement évacué dans le Nord-ouest du pays pendant 3 jours. A ce moment-là, les Vietnamiens contrôlaient sept provinces cambodgiennes à l'est du Mékong.

Sihanouk fut ramené à Phnom Penh le 5 janvier et ce même jour, Pol Pot fit une déclaration appelant les Cambodgiens à "lutter contre l'expansionnisme soviétique et le Pacte de Varsovie". Plus tard, dans l'après midi de ce jour-là, Khieu Samphan visita le prince et lui annonça que Pol Pot l'invitait à boire une tasse de thé avec lui. Quand la Mercédès de Sihanouk arriva à la Résidence supérieure, Pol Pot se rendit lui-même à la porte pour l'accueillir.

Pol Pot

Pol Pot

C'était la deuxième fois que le prince rencontrait le dirigeant du Kampuchea Démocratique* et, plus tard, en plusieurs occasions, Sihanouk décrivit Pol Pot ce jour-là comme étant "charismatique" et "un hôte parfait". Le prince a dit plus tard au journaliste indien Nayan Chanda que "Pol Pot est très brutal mais qu'il ne semblait pas trop me haïr. Il était vraiment charmant".

Sihanouk et Pol Pot passèrent 4 heures ensemble. Alors qu'ils sirotaient du jus d'orange, ils se remémorèrent leur première rencontre en 1973. En s'adressant au prince, Pol Pot utilisait la langue royale de soumission - pour le grand plaisir de Sihanouk - et s'excusa de n'avoir pas invité le prince depuis la prise de Phnom Penh en avril 1975. Il prétendit que c'est parce qu'il avait eu trop de travail. Sihanouk acquiesça poliment.

Ensuite, Pol Pot suggéra que le prince se rende au siège des Nations Unies, via la Chine, pour plaider la cause du Kampuchéa Démocratique*. Un avion chinois quitterait Phnom Penh avec Sihanouk et son entourage le 6 janvier. Sihanouk accepta cette suggestion qui s'apparentait plutôt à un ordre.

Pol Pot fit ensuite à Sihanouk un long et optimiste exposé sur la situation militaire en s'aidant d'une immense carte. Il promit de "liquider" les troupes vietnamiennes en deux mois. Ensuite, il ajouta qu'il serait heureux d'accueillir le prince à son retour à Phnom Penh une fois cette affaire terminée.

Sihanouk fut ensuite conduit dans sa Mercédès et ramené chez lui. Sa femme et sa belle-mère furent si heureuses de le revoir. Elles pensaient qu'il avait été exécuté.

L'avion qui emportait le prince et ses proches décolla le lendemain à l'heure dite, à peine 24 heures avant que les troupes vietnamiennes n'atteignent la banlieue de Phnom Penh. Ce fut le dernier avion à quitter la ville. En plus de Sihanouk, il transportait ce qui restait du corps diplomatique. Les coopérants chinois avaient été évacués par train plusieurs jours auparavant.

Le 6 janvier, plusieurs ministres du gouvernement quittèrent la ville. D'autres reçurent l'ordre de rester jusqu'au lendemain.

A 8 heures du matin, le 7 janvier, des centaines de petits fonctionnaires du régime furent conduit dans un train. Parmi eux se trouvaient de nombreux étudiants cambodgiens à l'étranger qui avaient décidé de rentrer à Phnom Penh pour aider le nouveau régime après la chute du gouvernement pro-américain de Lon Nol le 17 avril 1975. L'un d'entre eux, Y Phandara, raconta la scène dans ses mémoires ("Retour à Phnom Penh", éditions Métaillé, Paris, 1982). Des soldats khmers rouges blessés furent amenés de l'hôpital et des gens s'entassaient même sur le toit des wagons. Peu après le départ du train, vers 9 heures du matin, Phandara vit deux hélicoptères venant de Phnom Penh et se dirigeant dans la même direction que le train. En fait, ces hélicoptères transportaient Pol Pot et ses proches associés vers un exil en Thaïlande et un futur incertain. Ce départ en catastrophe rappelait celui de l'ancien ambassadeur des Etats-Unis, John Gunter Dean, des conseillers militaires américains du gouvernement Lon Nol ainsi que des hauts-fonctionnaires de ce régime, à peine une semaine avant la première "libération" de Phnom Penh le 17 avril 1975.

Le 9 janvier 1979, tandis que le reste des soldats khmers rouges se réfugia dans la jungle pour y mener une guerre de guérilla, les troupes vietnamiennes occupèrent Phnom Penh, ce qui mit fin à un auto-génocide qui avait couté la vie à plus de deux millions de Cambodgiens. Mais malheureusement, cela ne signifiait pas la fin de la guerre qui continua pendant encore 20 ans, jusqu'au décès de Pol Pot le 16 avril 1998 et la capture du dernier général khmer rouge, Ta Mok, le 6 mars 1999.

* Kampuchéa Démocratique est le nom que les Khmers rouges ont donné au Cambodge.

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