Observations faites lors d'un voyage en Birmanie

Publié le

Par Alexis Lerebel pour La Gazette du Citoyen

Je me suis rendu en Birmanie en tant que touriste du 5 au 25 janvier 2018, notamment à Yangon et dans l'Etat Rakhine. Je n'ai pas manqué d'observer ce qui s'y passait et d'interroger des Birmans et des expatriés sur la situation du pays.

Yangon

A Yangon, j'ai interrogé des gens, surtout des chauffeurs de taxi qui sont une mine d'information sur la situation politique actuelle. J'ai aussi fouiné dans les librairies afin de voir le genre de livres diffusés et lu les journaux anglophones birmans pour me rendre compte de leur perception de la situation politique locale et voir comment ils rapportaient les événements dans l'Etat Rakhine.

Bien sûr, en premier lieu, je me suis rendu à la Paya Swedagon qui est le plus beau et le plus grand temple bouddhiste en activité dans le monde.

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Paya Swedagon (Photo de l'auteur)

Ce que les Birmans pensent d'Aung San Suu Kyi et de la situation politique

Contrairement à l'ancienne junte qui est détestée, Aung San Suu Kyi est très populaire dans le pays. Mais les gens savent qu'elle a un pouvoir très limité. Les militaires contrôlent les ministères de l'Intérieur et de la Défense et ce sont uniquement eux qui décident ou et quand ils doivent intervenir. La constitution des militaires lui interdit d'être présidente (à cause de son mariage avec un étranger) et elle n'est officiellement que "conseillère d'Etat". Cependant, elle tient bien les rênes de son parti, la Ligue Nationale pour la Démocratie.

Local de la Ligue Nationale pour la Démocratie dans un village reculé de la minorité Chin (Nord de l'Etat Rakhine) (Photo de l'auteur)

Local de la Ligue Nationale pour la Démocratie dans un village reculé de la minorité Chin (Nord de l'Etat Rakhine) (Photo de l'auteur)

Elle a cependant engagé quelques réformes sociales comme par exemple les soins de santé à très petits prix (auparavant la plupart des Birmans ne pouvaient pas se payer l'hôpital).

Par contre, et c'est plutôt injuste vu sa situation précaire, c'est elle qui est devenu la cible principale des médias occidentaux pour l'affaire des Rohingyas et tout ce qui ne va pas dans le pays. Ces derniers oublient même souvent de s'en prendre aux militaires qui pourtant ont gardé le contrôle total des forces de sécurités devenues un "état dans l'état".

La plupart des Birmans ne comprennent pas pourquoi leur pays est la cible des médias internationaux sur l'affaire des Rohingyas. Ici, le problème est perçu comme une affaire intérieure de lutte contre le terrorisme et l'immigration illégale. Ils disent que l'armée n'a fait que répliquer à une attaque terroriste de grande ampleur fomentée par les fondamentalistes islamistes de l'ARSA (Armée Rohingya pour le Salut de l'Arakan) et que, parmi les Rohingyas, se sont glissé de nombreux immigrants illégaux venu du Bengladesh qui parlent la même langue et sont de la même origine ethnique. Le Bengladesh est d'ailleurs perçu comme une veritable menace par les Birmans car ce pays est 5 fois moins grand que la Birmanie mais compte une population de plus de 150 millions d'habitants, soit 3 fois plus que la population totale du Myanmar. Comme, en plus, un tiers du Bengladesh est régulièrement inondé, les Birmans pensent que ce pays pousse secrètement une partie de ses habitants à émigrer dans l'Etat Rakhine, ceci afin de changer la composition ethnique de cette région en devenant majoritaire pour pouvoir ensuite revendiquer ce territoire (avant les derniers événements, on comptait environ 3 Rakhines pour un Rohingya).

Les médias

On trouve deux journaux en anglais pratiquement partout à Yangon, "The New Light of Myanmar" qui est pro-militaire et le "Myanmar Times" plus neutre.

The New Light of Myanmar avec un grand dossier sur l'identification de plus de 1300 djihadistes rohingyas par les autorités birmanes (Photo de l'auteur)

The New Light of Myanmar avec un grand dossier sur l'identification de plus de 1300 djihadistes rohingyas par les autorités birmanes (Photo de l'auteur)

Myanmar Times avec en première page l'inculpation d'un dirigeant rakhine suite à des émeutes de Rakhines bouddhistes à Mrauk U. 7 personnes ont été tuées lors d'affrontements entre les émeutiers et la police (Photo de l'auteur)

Myanmar Times avec en première page l'inculpation d'un dirigeant rakhine suite à des émeutes de Rakhines bouddhistes à Mrauk U. 7 personnes ont été tuées lors d'affrontements entre les émeutiers et la police (Photo de l'auteur)

La censure a été officiellement abolie en aout 2012 et les médias d'oppositions "The Irrawady", "Democratic Voice of Burma" et "Mizzima" ont pu officiellement être diffusés dans le pays. Bien que j'ai pu librement accéder à leurs sites web, je n'ai pas vu d'exemplaire papier des deux premiers, par contre j'ai trouvé dans un hotel un exemplaire du magazine hebdomadaire "Mizzima" daté du 2 novembre 2017 avec en page 30 et 31 une interview de l'ambassadrice d'Allemagne exprimant ses préoccupations sur la situation dans l'Etat Rakhine.

L'hebdomadaire d'opposition Mizzima avec une interview de l'ambassadrice d'Allemagne exprimant ses préoccupations sur la situation dans l'Etat Rakhine (Photo de l'auteur)

L'hebdomadaire d'opposition Mizzima avec une interview de l'ambassadrice d'Allemagne exprimant ses préoccupations sur la situation dans l'Etat Rakhine (Photo de l'auteur)

Au niveau des livres distribués en librairie ou consultables dans les bibliothèques, j'ai été surpris car il n'y a absolument aucune censure.

On y trouve des traductions en birman du livre de Bertil Lintner sur la lutte pour la démocratie au Myanmar et même des livres pro-Rohingyas alors que le gouvernement est censé purifier ethniquement la Birmanie de ces derniers (ce qui est pour le moins étrange).

Une librairie de Yangon avec en vente le livre pro-Rohingya d'Azeez Ibrahim "The Rohingyas: Inside Myanmar's Hidden Genocide" (Photo de l'auteur)

Une librairie de Yangon avec en vente le livre pro-Rohingya d'Azeez Ibrahim "The Rohingyas: Inside Myanmar's Hidden Genocide" (Photo de l'auteur)

La bibliothèque municipale de Sittwe possède le livre "The Burmanization of Myanmar's Muslims" de J. A. Berlie qui critique la politique du gouvernement birman (Photo de l'auteur)

La bibliothèque municipale de Sittwe possède le livre "The Burmanization of Myanmar's Muslims" de J. A. Berlie qui critique la politique du gouvernement birman (Photo de l'auteur)

Les Musulmans de Yangon

Mon hôtel à Yangon était situé en plein cœur du quartier rohingya (qui ne se nomment pas ainsi dans la capitale mais "musulmans bengalis") juste à coté de leur mosquée principale. Ils continuent de vivre comme ils ont toujours vécus et n'ont pas du tout été affectés par les événements qui se sont récemment produits dans l'Etat Rakhine.

Vendeurs musulmans bengalis (rohingyas) à Yangon (Photo de l'auteur)

Vendeurs musulmans bengalis (rohingyas) à Yangon (Photo de l'auteur)

Une musulmane bengalie (rohingya) à Yangon (Photo de l'auteur)

Une musulmane bengalie (rohingya) à Yangon (Photo de l'auteur)

La mosquée bengalie (rohingya) de Yangon (Photo de l'auteur)

La mosquée bengalie (rohingya) de Yangon (Photo de l'auteur)

Vendeuse musulmane bengalie (rohingya) à Yangon (Photo de l'auteur)

Vendeuse musulmane bengalie (rohingya) à Yangon (Photo de l'auteur)

Les Musulmans de Birmanie représentent environ 6% de la population totale du pays et, à part dans l'Etat Rakhine, il ne semble pas y avoir de problèmes entre Bouddhistes et Musulmans dans le reste du pays. Comme les Bouddhistes, la majorité des Musulmans (hors Etat Rakhine) soutiennent Aung San Suu Kyi. Leurs mosquées sont belles et bien entretenues. Ils ont même des écoles coraniques privées.

Mosquée de la ville de Mawlamyine (Etat Mon) (Photo de l'auteur)

Mosquée de la ville de Mawlamyine (Etat Mon) (Photo de l'auteur)

Mosquée de la ville de Hpa-an (Etat Karen) (Photo de l'auteur)

Mosquée de la ville de Hpa-an (Etat Karen) (Photo de l'auteur)

Patronnes musulmanes de l'hôtel Galaxy à Hpa-an (Etat Karen) (Photo de l'auteur)

Patronnes musulmanes de l'hôtel Galaxy à Hpa-an (Etat Karen) (Photo de l'auteur)

Ecole coranique de la ville de Hpa-an (Etat Karen) (Photo de l'auteur)

Ecole coranique de la ville de Hpa-an (Etat Karen) (Photo de l'auteur)

La majorité des Musulmans sont d'ethnie indienne ou bengalie et sont arrivés dans le pays à l'époque de la colonisation britannique (XIXème siècle) mais il existe aussi des minorités d'autres ethnies, comme les Malais, qui sont là depuis beaucoup plus longtemps.

Sittwe 

Je me suis ensuite rendu à Sittwe et à Mrauk U dans l'Etat Rakhine.

Aéroport de Sittwe (Photo de l'auteur)

Aéroport de Sittwe (Photo de l'auteur)

Arrivé à l'aéroport de Sittwe, j'ai remarqué deux hommes qui parlaient russe entre eux et qui n'avaient pas du tout l'air de touristes. Ils ont d'ailleurs passé toutes les formalités sans avoir eu à faire la queue ni à montrer leurs passeports et une voiture officielle les attendait à la sortie. J'ai appris plus tard la visite du ministre russe de la Défense Sergey Shoigu dans le pays et la signature d'un contrat d'armement et d'aide technique entre la Russie et la Birmanie. La Russie se joindrait-elle à l'alliance Chine-Myanmar? Il semble que oui mais je n'en sais pas plus pour le moment.

Les Rakhines

Sittwe est la capitale de  l'état Rakhine, autrefois appelé Arakan par les Britanniques, et dont la majorité des habitants sont des Rakhines, qui se nomment eux-mêmes Rakhaing. Ils sont les grands oubliés des médias.

Marchande rakhine au marché de Sittwe (Photo de l'auteur)

Marchande rakhine au marché de Sittwe (Photo de l'auteur)

Marchandes rakhines au marché de Sittwe (Photo de l'auteur)

Marchandes rakhines au marché de Sittwe (Photo de l'auteur)

Moinillon rakhine au marché de Sittwe (Photo de l'auteur)

Moinillon rakhine au marché de Sittwe (Photo de l'auteur)

Le peuple Rakhine parle une langue assez proche du bamar (birman) mais a une haute conscience nationale. La très grande majorité des Rakhines sont bouddhistes mais l'on trouve quelques groupes minoritaires musulmans parmi eux (qui n'ont rien à voir avec les Rohingyas). Leur nombre est estimé à 3 ou 4 millions plus un autre million qui vit au Bengladesh.

Les Rakhines ont une vieille histoire et ont longtemps été indépendants. On trouve des traces d'une très ancienne civilisation rakhine au site archéologique de Wethali datant des tout premiers siècles de l'ère chrétienne et qui serait un des plus vieux royaumes bouddhistes mais leur âge d'or se situe dans la civilisation plus récente de Mrauk U qui est aujourd'hui un site archéologique magnifique (et qui, à mon avis, est à classer au même niveau que les 3 grands sites archéologiques d'Asie du Sud-est, Angkor au Cambodge, Pagan en Birmanie centrale et Borobudur en Indonésie). Mrauk U a été la dernière capitale du Rakhine indépendant de 1430 à 1784 après J.C., date à laquelle elle est tombée aux mains des Birmans après une invasion éclair.

Temple Kothaung à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Temple Kothaung à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Une pagode et 2 stupas à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Une pagode et 2 stupas à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Lac à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Lac à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Temple Andaw à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Temple Andaw à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Temple Shittaung à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Temple Shittaung à Mrauk U (Photo de l'auteur)

Dessin de Mrauk U vu du quartier portugais par un voyageur hollandais en 1676 (Photo de l'auteur)

Dessin de Mrauk U vu du quartier portugais par un voyageur hollandais en 1676 (Photo de l'auteur)

A son apogée (XVIème/XVIIème siècles), le royaume bouddhiste rakhine possédait une flotte de guerre d'environ 10,000 navires qui faisait régner la loi dans les golfes du Bengale et de Martaban et était particulièrement craint et respecté. Il a entretenu des relations diplomatiques avec les autres pays de la région la Perse, le Portugal, l'Espagne et les Pays-Bas. La garde royale se composait de samouraïs japonais chrétiens qui avaient fui le Japon pour échapper aux persécutions.

En 1784, c'est l'invasion birmane et la chute. Les Birmans emportèrent la statue de Bouddha la plus sacrée du Rakhine (le Bouddha Mahamuni qui se trouve aujourd'hui dans la pagode du même nom à Mandalay) et annexèrent le pays.

En 1824, suite à des incidents de frontière entre l'Inde britannique et le Rakhine désormais annexé à la Birmanie, débute la première guerre Anglo-Birmane. Malgré la résistance héroïque des troupes birmanes commandée par le général Maha Bandoula (Bandoula le grand qui est considéré par les Birmans comme un héros national), les Britanniques finissent par l'emporter deux ans plus tard grâce à leur avance technologique et, en 1826, annexent le Rakhine qui est incorporé à l'empire des Indes (le reste de la Birmanie sera annexé au court des deux guerres anglo-birmanes suivantes, Yangon et le sud du pays en 1853 et Mandalay et le nord en 1885).

Les Rakhines, qui avaient d'abord accueilli les troupes britanniques en libérateurs, ont vite déchantés, le nouveau maître se révélant pire que l'ancien.

Plutôt que de conserver Mrauk U comme capitale du Rakhine, les Anglais choisirent d'établir une nouvelle capitale à Sittwe, un petit port de pèche qui se révélait plus pratique pour eux. La vieille capitale déclina et ses magnifiques temples commencèrent à tomber en ruine.

Ensuite, les Anglais déplacèrent des Bengalis, majoritairement des Musulmans mais aussi quelques Hindous, et les réinstallèrent au Rakhine, notamment à Sittwe, ou ils en firent des fonctionnaires qui servaient de pouvoir intermédiaire entre la population locale rakhine colonisée et ses maîtres britanniques, mais aussi dans les campagnes qui avaient été dépeuplées par la guerre. Cela servait pleinement leurs intérêts car en changeant la composition ethnique du pays, ils pouvaient aussi pratiquer le "diviser pour mieux régner". Ils ont d'ailleurs fait la même chose dans beaucoup de leurs colonies, en Malaisie, Palestine et ailleurs. La plupart des problèmes actuels, dans ces pays comme en Birmanie, viennent de là.

Les Rohingyas aujourd'hui

Les Rohingyas sont des musulmans originaires de l'Inde et du Bengladesh d'immigration récente. Comme nous l'avons vu, beaucoup ont été "importés" durant la colonisation britannique par les Anglais pour leur servir de supplétifs car la plupart des Birmans refusaient de collaborer avec l'administration coloniale. L'Etat Birman ne reconnais pas le terme "Rohingya" qui est une auto-appellation récente des Musulmans bengalis et dont le but est de se faire reconnaitre comme ethnie locale, ceci afin de pouvoir revendiquer l'autonomie, voir l'indépendance. Ceux qui se déclarent sous ce nom et refusent d'en changer se voient refuser la nationalité birmane mais par contre, les Hindous et les Musulmans qui se sont enregistré sous l'appellation de "Bengali" se sont vu accorder la nationalité.

Les affrontements interethniques de 2012 à Sittwe

Sur ce sujet, à part les médias et internet, je n'ai qu'une source directe d'information neutre, un expatrié allemand travaillant dans l'humanitaire dans un camp de réfugiés rakhines bouddhistes situé sur le terrain d'un temple aux abords de la ville. Mes autres sources sont des Rakhines, cependant, à part une narration plus émotive et plus colérique des événements, leurs témoignages rejoignent en grande partie celui de l'expatrié allemand.

En 2012, un moine bouddhiste qui traversait un village musulman non loin de la ville de Maungdaw située à l'est de l'Etat Rakhine, a été tué par des fondamentalistes.

Peu après, à Sittwe, deux filles rakhines (bouddhistes) ont été violées. L'une a été ensuite tuée et l'autre laissée pour morte mais elle a survécu. Plus tard, elle a témoigné que les cinq agresseurs étaient des Rohingyas musulmans.

Cela a déclenché des émeutes lors desquelles la population rakhine bouddhiste réclamait qu'on lui remette les coupables. Les Rohingyas ont refusé. Alors ont éclatés des affrontements entre les deux communautés qui ont fait quelques dizaines de morts de part et d'autre et, finalement, l'armée s'est interposée. Il était impossible pour les deux communautés de vivre ensemble après cela et, plutôt que de les séparer par des barrages militaires, l'armée a décidé de déplacer l'ensemble des Rohingyas dans des nouveaux villages aux environs de la ville. Ils y sont toujours. Il semble que lors des déplacements, les 5 violeurs aient été appréhendés et sommairement exécutés.

Aujourd'hui, la jolie mosquée de Sittwe, dont la construction avait été décidée en 1826 par l'administration coloniale britannique pour accueillir les nouveaux immigrants bengalis musulmans, est devenue un lieu fantôme.

Mosquée abandonnée de Sittwe (Photo de l'auteur)

Mosquée abandonnée de Sittwe (Photo de l'auteur)

Mosquée abandonnée de Sittwe (Photo de l'auteur)

Mosquée abandonnée de Sittwe (Photo de l'auteur)

Mosquée abandonnée de Sittwe (Photo de l'auteur)

Mosquée abandonnée de Sittwe (Photo de l'auteur)

Il n'y a aucune présence militaire visible mais on aperçoit parfois quelques camions de la police.

Camion de police (Photo de l'auteur)

Camion de police (Photo de l'auteur)

L'expat allemand m'a ensuite raconté sa version des événements plus récents, ceux d’août/septembre 2017. En août 2017, un mouvement islamiste armé, l'Armée Rohingya pour le Salut de l'Arakan (ARSA), a lancé plusieurs attaques dans la région frontalière du Bengladesh contre des postes militaires birmans et des villages hindous et bouddhistes. Plusieurs soldats et civils ont été tués et la population entière de deux villages hindous a été massacrée. L'armée birmane a répliqué avec une certaine brutalité et les combats ont fait rage. Les civils ont fui le lieu des combats, les Rakhines bouddhistes et les Hindous se réfugiant dans la zone sécurisée de Sittwe et les Rohingyas musulmans s'enfuyant au Bengladesh. Il n'y a pas eu de purification ethnique organisée, seulement des civils fuyant les lieux de combats pour se réfugier dans des zones sures. Et ce n'est pas l'armée birmane qui a déclenché les hostilités mais bel et bien l'Armée Rohingya pour le Salut de l'Arakan affiliée à Al Qaïda et qui revendique la création d'un état islamiste indépendant.

De plus, il existe une minorité rakhine bouddhiste d'environ 1 million de personnes au Bengladesh dont on parle peu et qui est particulièrement opprimée par la majorité musulmane du pays. Nombre de ces Rakhines sont les descendants de ceux qui avaient fui lors de la prise de Mrauk U par les Birmans en 1784 pour se réfugier dans ce qui était alors l'Empire britannique des Indes. Après l'invasion britannique du Rakhine en 1824, plutôt que de rapatrier ces réfugiés rakhines, l'administration anglaise a préféré importer des Bengalis musulmans (les Rohingyas actuels) dans leur nouvelle colonie du Rakhine. Peut-être un règlement du problème devra-t-il passer par un échange de population entre l'Etat Rakhine de Birmanie et le Bengladesh comme cela a été le cas entre la Grèce et la Turquie dans les années 1920.

Conclusion

Il est clair que les journaux français de l'établissement mentent, le plus souvent par omission mais parfois aussi en déformant les faits. L'implication des Etats-Unis dans la crise birmane n'est quasiment jamais mentionnée. Pourtant, ce pays fait tout son possible pour saboter la politique économique chinoise de nouvelles routes de la soie dont l'un des tracés passe par la Birmanie afin d'avoir un accès direct à la mer d'Andaman via le port de Sittwe. Le discourt ferme de Trump condamnant le gouvernement birman et soutenant les Rohingyas a été passé sous silence. Il a eu lieu pourtant peu de temps avant son autre intervention, beaucoup plus médiatisée celle-là, ou il formulait la désastreuse reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël passant outre toutes les recommandations des Nations Unies.

Nous savons que les Etats-Unis, avec la complicité de l'Arabie Saoudite, d'autres états du Golfe, d'Israël et de ses satellites européens, utilisent depuis quelques temps des "terroristes islamistes" afin de déstabiliser les régimes qui ne sont pas dociles. Ca s'est passé en ex-Yougoslavie, en Lybie et en Irak, ça se passe aujourd’hui en Syrie et c'est exactement ce qui est en train de se passer en Birmanie.

Le soutien ouvert de George Soros aux Rohingyas confirme ce fait.

George Soros déclare son soutien aux Rohingyas

J'ai moi-même cru à toute cette propagande occidentale sur les Rohingyas jusqu'à que mes premiers doutes apparaissent vers le milieu de 2017. Après, j'ai cessé d'y croire et ce récent voyage en Birmanie m'a confirmé dans mon scepticisme.

La vérité est qu'il ne s'agit pas d'un "génocide" de "gentils" rohingyas par de "méchants" birmans mais d'une attaque djhiadiste brutale qui a eu pour conséquence une contre-attaque tout aussi brutale de l'armée birmane. Les réfugiés n'ont pas été expulsés mais ont fui la zone des combats. Les Rohingyas se sont naturellement enfuis vers le Bengladesh dont la population est de langue et de culture similaire tandis que les Rakhines fuyaient vers Sittwe. 

Allez donc en Birmanie si vous en avez l’occasion. C’est un magnifique pays avec une population adorable et, en allant là-bas, vous pourrez vous rendre compte par vous même.

De plus, la Birmanie, c'est avant tout le pays du vrai sourire.

Femme de Yangon (Photo de l'auteur)

Femme de Yangon (Photo de l'auteur)

Moinillons de Yangon (Photo de l'auteur)

Moinillons de Yangon (Photo de l'auteur)

Bouddha de Mrauk U (Photo de l'auteur)

Bouddha de Mrauk U (Photo de l'auteur)

Femme rakhine de Mrauk U (Photo de l'auteur)

Femme rakhine de Mrauk U (Photo de l'auteur)

Femmes de la minorité "chin" au nord du Rakhine (Photo de l'auteur)

Femmes de la minorité "chin" au nord du Rakhine (Photo de l'auteur)

Couple à Yangon (Photo de l'auteur)

Couple à Yangon (Photo de l'auteur)

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E
Bonjour, 100% d'accord avec toi! As tu lu le livre de Didier Treutenaere sur le sujet? https://livre.fnac.com/a12517458/Didier-Treutenaere-Rohingyas-de-la-fable-a-la-realite<br /> Contacte moi sur mon site web: https://luminescences.book.fr/
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Je n'ai pas lu le livre de Didier Treutenaere mais j'en ai lu un autre, celui de Maxime Vivas sur les Ouïgours de Chine où la même technique de désinformation est employée. <br /> Le lien:<br /> https://www.legrandsoir.info/ouighours-pour-en-finir-avec-les-fake-news.html<br />
Y
Bonjour<br /> merci de votre article qui apporte un éclairage un peu différent de tout ce qu'on voit et entend sur ce dossier très sensible...<br /> <br /> Nous avons eu le plaisir de passer 4 semaines en Birmanie en février 2017, finissant notre séjour à Mrauk U, dont nous gardons un très beau souvenir...
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Merci de votre appréciation :)