Deir Yassin, le massacre fondateur de l'Etat d'Israel

Publié le

Par Nick Clark pour Socialist Worker

Les réfugiés palestiniens fuient la brutalité israélienne pendant la Nakba

Les réfugiés palestiniens fuient la brutalité israélienne pendant la Nakba

Après le massacre, les milices se sont vantées devant la presse du nombre d'Arabes qu'elles avaient tués.

Le New York Times a rapporté par la suite que 254 Arabes avaient été tués à Deir Yassin, un village palestinien détruit il y a 70 ans.

Depuis, ce massacre symbolise tous les crimes commis contre les Palestiniens en 1948.

Cela n’a pas été le seul massacre cette année-là ni même le plus meurtrier. Mais il s’agissait d’un signe précoce de ce qui attendait les Palestiniens. Au cours des mois suivants, des centaines de milliers de personnes ont été systématiquement expulsées de leurs foyers pour faire place au nouvel État d'Israël.

Pour les gens de Deir Yassin, cela s'est passé juste avant l'aube du vendredi 9 avril 1948.

Deux milices juives, l'Irgoun et le Lehi - ou Groupe Stern -, ont attaqué le village, le considérant comme une cible facile. Mais elles ont rencontré une féroce résistance.

Le fait que les Palestiniens aient essayé de se défendre est parfois utilisé comme argument par Israël pour excuser ce qui s'est passé ensuite.

Les combattants juifs se sont frayé un chemin à travers les maisons du village, jetant des grenades dans chacune d'entre elles avant d'entrer et de tuer tous ceux qui étaient encore en vie.

Des villageois capturés - dont de nombreux enfants et personnes âgées - ont été alignés et liquidés à la mitrailleuse. Des familles ont été exécutées devant leur porte.

Une lettre d'un combattant Léhi, écrite à ce moment-là, raconte, à bout de souffle, comment "c'était la première fois de ma vie que, sous mes yeux, les Arabes tombaient".

"J'ai tué un Arabe armé et deux Arabes de 16 ou 17 ans qui aidaient l'Arabe qui tirait. Je les ai appuyés contre un mur et les ai abattus avec deux balles du pistolet Tommy".

Le commandant

Bien qu'il ait jamais nié qu'un massacre ait eu lieu, le commandant de Léhi, Yehoshua Zettler, a récemment déclaré à la cinéaste Neta Shoshani: “Je ne vous dirai pas que nous sommes allés là-bas en prenant des gants. Ils ont couru comme des lapins”.

"Maison après maison, nous avons mis des explosifs et ils s'enfuyaient. Une explosion et on continuait, une explosion et on continuait et, au bout de quelques heures, la moitié du village n'existait plus."

Une fois le massacre terminé, les corps ont été entassés et brûlés. Un groupe de 25 hommes et garçons a été poussé dans des camions et a défilé à travers Jérusalem. Puis ils ont été conduits dans une carrière et assassinés.

Lorsque Mordechai Gichcon - un officier de l'armée juive de la Haganah - est arrivé au village, la scène lui a rappelé la persécution des Juifs dans la Russie du 19ème siècle.

"Si vous vous rendez dans un endroit et que des civils morts y sont dispersés, alors cela ressemble à un pogrom", a-t-il déclaré des décennies plus tard.

"Quand les Cosaques ont fait irruption dans les quartiers juifs, ça a dû ressembler à cela."

Une version israélienne de cette histoire tente désespérément d'absoudre les assaillants de leur culpabilité. Les apologistes racontent comment les milices ont laissé une échappatoire aux villageois pour fuir l'attaque.

Ou comment ils ont “évacué” - enlevé de force - certains de ceux qui ne pouvaient pas courir.

Pourtant, la version racontée par ceux qui ont mené l'attaque a révélée l'horreur de ce qu'ils avaient fait - et a même gonflé l'ampleur de l'atrocité.

Le nombre réel de Palestiniens tués est probablement plus proche de 110.

Les premières estimations plus élevées provenaient des attaquants eux-mêmes.

Les deux mensonges ont le même but. Les attaquants ont permis aux Palestiniens de s'enfuir parce qu'ils voulaient vider le village des Arabes.

Ils en ont tué autant que possible pour pousser les Arabes des autres villages à s’enfuir.

Cela faisait partie d'un plan visant à vider systématiquement les villes palestiniennes, les villages et les villes de leurs habitants arabes.

Résolution

Quelques mois plus tôt, en novembre 1947, l'Organisation des Nations Unies (ONU) avait adopté une résolution visant à diviser la Palestine.

Des dizaines de milliers de Juifs étaient récemment arrivés en Palestine après avoir échappé au massacre à grande échelle de l'holocauste nazi.

Les juifs européens y vivaient déjà en colonies depuis la fin du XIXème siècle, ayant souvent fui la persécution antisémite.

Mais comme l'écrivait le socialiste Tony Cliff, un juif né et ayant grandi en Palestine, "les Juifs avaient été horriblement opprimés, mais cela ne garantissaient pas qu'ils deviennent progressistes ou révolutionnaires".

Ce mouvement colonial - le sionisme - cherchait à construire un État exclusivement juif dans toute la Palestine.

Les Palestiniens qui vivaient là devaient être obligés de partir. Les Israéliens ont cherché le soutien des puissances impérialistes pour les aider à faire cela.

La Grande-Bretagne - qui avait occupé la Palestine depuis la fin de la Première Guerre mondiale - a soutenu les sionistes, qui avaient auparavant aidé la police à réprimer les Palestiniens occupés.

Mais maintenant que l'empire britannique s'effondrait, les Anglais ne pouvaient plus rester au-dessus des forces violentes qu'il avait contribué à enraciner, et ils ont décidé de partir.

L'ONU a accepté de diviser la Palestine entre les Arabes et les Juifs. Plus de 50% de la Palestine a été “donnée” aux Juifs, qui ne représentaient qu'un tiers de la population et n'occupaient pas plus de 10% de la terre.

Mais un Etat exclusivement juif avait besoin d'une majorité juive.

Le dirigeant sioniste David Ben Gourion, qui est devenu le tout premier Premier ministre d'Israël, s'inquiétait: "Il y a 40% de non-juifs dans les zones attribuées à l'Etat juif.

"Un tel équilibre démographique remet en question notre capacité à maintenir la souveraineté juive. Seul un Etat avec au moins 80% de juifs serait un état viable et stable".

Avec d'autres dirigeants sionistes, Ben Gourion avait élaboré un plan. Les agents du renseignement de la Haganah ont recueilli des informations détaillées sur tous les villages et centres urbains peuplés d’Arabes.

La Palestine a été divisée en plusieurs zones qui ont été allouées à différents bataillons de la Haganah.

Chaque village palestinien qui se trouvait entre des colonies juives isolées dans chaque zone devait être débarrassé des Arabes.

Là où les villages arabes avaient signé des pactes de non-agression avec les colonies juives voisines - comme Deir Yassin - des milices souterraines, l'Irgoun et Léhi, ont été tacitement autorisés à “agir”.

À mesure que les autorisations s'accumulaient, la direction sioniste est devenue plus audacieuse et plus enthousiaste.

"Quand je viens à Jérusalem, je sens que je suis dans une ville juive", avait déclaré Ben Gourion en février.

"Dans de nombreux quartiers arabes de l'Ouest, on ne voit même plus un seul Arabe. Je ne pense pas que ça va changer. "

"Et ce qui s'est passé à Jérusalem et à Haïfa peut se produire dans de grandes parties du pays. "

Persister

"Si nous persistons, il est tout à fait possible qu'au cours des six ou huit prochains mois, il y ait des changements considérables dans le pays, très considérables et à notre avantage".

En mars, il avait mis au point un plan solide, Dalet, qui ne laissait aucun doute sur le sort des villages arabes.

"Ces opérations devraient être menées de la manière suivante: soit en détruisant les villages (en y mettant le feu, en les faisant exploser, et en posant des mines dans leurs décombres)", a-t-il précisé.

"En cas de résistance, les forces armées arabes devaient être anéanties et la population expulsée hors des frontières de l'Etat".

L'historien israélien Ilan Pappe a étiqueté ce plan pour ce qu'il était: un plan de nettoyage ethnique. Deir Yassin a été parmi les premiers villages nettoyés par le plan Dalet.

À ce moment-là, au moins 75,000 Palestiniens étaient déjà devenus des réfugiés, des mois avant que les Anglais ne quittent la Palestine.

L'armée britannique en Palestine était deux fois plus importante que la Haganah et aurait pu facilement arrêter les massacres.

Au lieu de cela, la Grande-Bretagne a autorisé le nettoyage ethnique qui se passait sous les yeux de ses forces d'occupation.

C'est quelques jours après le massacre que les Britanniques se sont présentés à Deir Yassin - non loin de la capitale Jérusalem - pour enquêter. Un policier a été envoyé mais a été bloqué par la Haganah.

Après leur vantardise initiale, les forces sionistes souhaitaient maintenant cacher ce qu'elles avaient fait.

Même maintenant, l'Etat israélien s'assure que les photos du massacre restent enfermées dans ses archives militaires.

Mais l'officier de la Haganah qui a pris ces photos - Shraga Peled - s'en souvient très bien.

"Quand je suis arrivé à Deir Yassin, la première chose que j'ai vue, c’est un grand arbre auquel un jeune homme arabe était attaché", se souvient-il dans le film de Shoshani. "Cet arbre a ensuite été brûlé. Ils l'avaient attaché à l’arbre et l'ont brûlé. J'ai photographié cela".

Alors qu'auparavant ils avaient célébré le massacre, maintenant l'établissement israélien cherche à le couvrir - et ils ont des raisons.

Les groupes qui ont commis le massacre ont ensuite formé l'armée israélienne.

Le commandant de l'Irgoun, Menahem Begin, est devenu plus tard Premier ministre d’Israël.

Le souvenir de Deir Yassin est un embarras pour Israël - il révèle l'horreur dont cet État est né.

Lien de l’article en anglais:

https://socialistworker.co.uk/art/46327/Israels+massacre+at+Deir+Yassin

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