L'utilisation choquante des armes chimiques par Winston Churchill

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L'utilisation d'armes chimiques en Syrie a indigné le monde. Mais il est facile d'oublier que la Grande-Bretagne les a elle-aussi utilisées - et que Winston Churchill en était un chaud partisan

Par The Guardian le 1er septembre 2013

Winston Churchill prenant la parole dans une usine de munitions à Ponders End, 1916 (Photographie: Hulton Archive)

Winston Churchill prenant la parole dans une usine de munitions à Ponders End, 1916 (Photographie: Hulton Archive)

Le secret était primordial. L'état-major impérial britannique savait qu'il y aurait de l'indignation si l'on apprenait que le gouvernement avait l'intention d'utiliser son arsenal secret d'armes chimiques. Mais Winston Churchill, alors secrétaire d'État à la guerre, a balayé leurs préoccupations. En tant que défenseur à long terme de la guerre chimique, il était déterminé à les utiliser contre les bolcheviques russes. À l'été 1919, 94 ans avant l'attaque dévastatrice en Syrie (celle de 2013), Churchill a planifié et exécuté une attaque chimique soutenue au nord de la Russie.

Les Britanniques n'étaient pas étrangers à l'utilisation d'armes chimiques. Au cours de la troisième bataille de Gaza en 1917, le général Edmund Allenby avait tiré 10,000 obus de gaz asphyxiant sur les positions ennemies, avec un effet limité. Mais dans les derniers mois de la première guerre mondiale, les scientifiques des laboratoires gouvernementaux de Porton, dans le Wiltshire, développèrent une arme beaucoup plus dévastatrice: le "M Device" top secret, un obus explosif contenant un gaz très toxique appelé diphénylaminechloroarsine. L'homme responsable de son développement, le major-général Charles Foulkes, l'a qualifié "d'arme chimique la plus efficace jamais conçue".

Les essais à Porton ont suggéré que c'était vraiment une nouvelle arme terrible. Des vomissements incontrôlables, de la toux et une fatigue instantanée et paralysante étaient les réactions les plus fréquentes. Le chef de la production de guerre chimique, Sir Keith Price, était convaincu que son utilisation conduirait à l'effondrement rapide du régime bolchevique. "Si vous n'utilisez qu'une seule fois ce gaz, vous ne trouveriez plus de Bolchies de ce côté de Vologda (ville située entre Arkhangelsk et Moscou que tentait de prendre le général blanc Miller soutenu par les troupes britanniques)." Le cabinet était hostile à l'utilisation de telles armes, à la grande irritation de Churchill. Ce dernier voulait également utiliser le gaz M Device contre les tribus rebelles du nord de l'Inde. "Je suis fortement en faveur de l'utilisation du gaz empoisonné contre les tribus non civilisées", a-t-il déclaré dans un mémorandum secret. Il a critiqué ses collègues pour leur "mépris", déclarant que "les objections de l'Office de l'Inde vis-à-vis de l'utilisation du gaz contre les indigènes sont déraisonnables." Le gaz est une arme plus miséricordieuse que l'obus explosif, et contraint un ennemi à accepter un décision avec moins de perte de vie que toute autre moyen de guerre."

Il termina son mémo sur une note d'humour noir mal placé: "Pourquoi n'est-il pas juste qu'un artilleur britannique tire un obus qui fait éternuer ledit natif?", demandait-il. "C'est vraiment trop bête."

Environ 50,000 obus au M Device furent envoyés en Russie: les attaques aériennes britanniques les utilisant commencèrent le 27 août 1919, ciblant le village d'Emtsa, à 120 miles au sud d'Arkhangelsk. On a vu des soldats bolcheviques fuir dans la panique alors que le gaz chimique vert dérivait vers eux. Ceux qui étaient pris dans le nuage vomissaient du sang, puis s'écroulaient inconscients.

Les attaques se sont poursuivies tout au long du mois de septembre dans de nombreux villages tenus par des bolcheviques: Chunova, Vikhtova, Pocha, Chorga, Tavoigor et Zapolki. Mais les armes se révélèrent moins efficaces que Churchill l'avait espéré, en partie à cause du temps humide d'automne. En septembre, les attaques ont été stoppées puis définitivement arrêtées. Deux semaines plus tard, les armes restantes étaient larguées dans la mer Blanche. Elles demeurent à ce jour dans les fonds marins sous 40 brasses d'eau (environ 70 mètres).

Lien de l'article en anglais:

https://www.theguardian.com/world/shortcuts/2013/sep/01/winston-churchill-shocking-use-chemical-weapons

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