Il n'y a pas de contradiction entre patriotisme et socialisme

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Nous devons insister sur le fait que le socialisme patriotique est un véritable amour de notre pays et de son peuple - en opposition au militarisme et à l'impérialisme.

Par Matt Widdowson pour Morning Star le 8 janvier 2020

 

Manifestants communistes anglais

Manifestants communistes anglais

L'appel de Rebecca Long Bailey à ''faire revivre ce patriotisme progressif'' (dans The Guardian du 29 décembre 2019) a semblé être accueilli avec horreur par ''Left Twitter''. Bien que l’article de Long Bailey ne donne pas beaucoup d’explications sur ce qu’elle entend par patriotisme progressif'' ni sur les programmes politiques qui seraient guidé par ce slogan, il semble que, pour eux, ce soit le mot même de «patriotisme» qui soit si choquant.

A la suite de la publication de cet article, les médias sociaux étaient inondés d'un mélange de dédain libéral (principalement de la part de ceux qui ont des drapeaux de l'UE dans leurs profils Twitter - apparemment, tous les drapeaux ne sont pas mauvais) et de complaintes ultra-gauchistes typiques sur le «socialisme dans un seul pays».

La vérité est que le patriotisme peut être compatible avec le socialisme et l'internationalisme - en fait, à l'ère actuelle des États-nations, il est nécessaire de parvenir au socialisme. Rejeter complètement toute forme de patriotisme, c'est rejeter toute l'histoire des mouvements de libération nationale qui ont lutté (et, dans certains cas, luttent toujours) pour renverser la domination coloniale des puissances impérialistes telles que la Grande-Bretagne.

Le rejet pur et simple du patriotisme découle également d'un manque d'analyse de classe qui ne parvient pas à discerner la différence entre le nationalisme de la classe dirigeante et l'histoire et les aspirations cachées de la classe ouvrière.

Peut-être que certains de ceux qui critiquent Long Bailey sur les médias sociaux rejettent le patriotisme en raison d'un engagement à la place du «socialisme international». Autant l'idéal du socialisme mondial est souhaitable et une nécessité éventuelle, autant nous vivons toujours à une époque où l'État-nation reste le seul moyen réaliste des premiers pas vers le socialisme: il n’existe aucune autre communauté politique existante capable d’apporter la transformation nécessaire à l’instauration du socialisme; il n'y a pas de meilleur moyen de défendre le socialisme.

Et, alors que certains peuvent se tourner vers des forums internationaux tels que l'ONU pour réformer ou défendre certains droits, le fait est que la lutte spécifique pour le socialisme et la démocratie ne se déroule que dans le cadre de l'État - elle reste le «seul jeu en ville».

Peut-être existe-t-il également une crainte parmi les opposants au «patriotisme progressiste» de céder du terrain au nationalisme réactionnaire (en particulier l'ethno-nationalisme de l'extrême droite). Cela est peut-être compréhensible car il y a eu un changement notable et troublant en faveur de la droite dure dans le monde. Mais encore une fois, cela ignore la différence entre le nationalisme «officiel» promu par la classe dirigeante et le potentiel d'un patriotisme socialiste basé sur la souveraineté populaire et la solidarité internationale.

C’est peut-être parce que nous connaissons tous mieux les nationalismes officiels de la classe dirigeante. C'est soit le nationalisme de droite - les histoires des grands Britanniques, les grandes batailles et les «réalisations» de l'Empire; ou le nationalisme de style «Cool Britannia» plus doux, libéral, plus favorable aux affaires, plus cultivé, en place pendant la période du New Labour.

Ces deux nationalismes s'appuient sur la nostalgie d'un soi-disant âge d'or - qu'il s'agisse d'une version fantastique des années 1950 (pensez Heartbeat) ou d'un simulacre de Carnaby Street des années 60 (pensez à Austin Powers). Ces deux nationalismes ont tendance à ignorer les horreurs de l'Empire - avec la version de droite célébrant le passé impérial de la Grande-Bretagne et la version "Cool Britannia" tentant de désinfecter les symboles de l'Empire - une Spice Girl portant une minijupe en tablier de boucher.

Le sentiment nationaliste repose sur des histoires et des symboles et, une vision progressiste doit s'appuyer sur le contre-récit des peuples à l'histoire officielle de la Grande-Bretagne. C'est l'histoire radicale de la Grande-Bretagne. C’est l’histoire des niveleurs, des martyrs de Tolpuddle, des suffragettes, de Red Clydeside, des camps de Greenham Common et des grèves des mineurs.

Il s'agit d'une histoire nationale inclusive, alors que les luttes des groupes minoritaires s'entremêlent et deviennent une partie importante de l'histoire de la Grande-Bretagne radicale - le boycott du bus de Bristol; la grève qui a touché la compagnie Imperial Typewriters; la bataille de Cable Street. C'est aussi une histoire internationaliste qui comprend une pléthore de mouvements de solidarité et une forte tradition d'activisme pour la paix.

Avec un gouvernement de gauche au pouvoir, un patriotisme alternatif devrait s'appuyer sur ce passé radical pour regarder vers l'avenir: quelle sorte de société devrions-nous construire? Comment devons-nous tendre vers un monde plus pacifique et plus coopératif?

Le patriotisme devient alors un engagement dans un projet national; un patriotisme inclusif car il ne dépendrait pas de l’appartenance ethnique ou du pays de naissance, mais de l’attachement à l’objectif collectif. Qu'est-ce que le NHS (National Health Service, en français Service National de Santé, la sécurité sociale britannique), sinon un projet national collectif impliquant des gens du monde entier qui ont été galvanisés par un engagement envers ses principes fondateurs?

Si la gauche veut réussir, nous devons commencer à parler de concepts tels que le patriotisme et le nationalisme sans simplement réaffirmer un dogme inflexible ou recourir à l'hystérie. Dans un monde où l'État-nation demeure une réalité et la seule voie réaliste vers le socialisme, la gauche britannique doit articuler son propre patriotisme socialiste contrairement au chauvinisme, au conservatisme et au militarisme qui caractérisent le nationalisme de droite.

Lien de l’article en anglais:

https://morningstaronline.co.uk/article/f/there-no-contradiction-between-patriotism-and-socialism

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