Allo la Chine? C'est le Pentagone au téléphone...

Publié le

Par Tom Clifford pour Counterpunch le 17 Septembre 2021 

Marathon international à Pékin (Crédit photo: CNS)

Marathon international à Pékin (Crédit photo: CNS)

Les extrémistes chinois viennent de voir leur position justifiée par le comportement erratique, à la limite du dérèglement, des États-Unis et de son armée.

D'abord la prise de la capitale le 6 janvier dernier. Vu de Pékin, cela ressemblait à un coup d'État raté, une tentative bâclée mais sérieuse de bouleverser la politique américaine. Maintenant, un livre des journalistes Bob Woodward et Robert Costa affirme que le général américain Mark Milley, président des chefs d'état-major interarmées, a appelé le général Li Zuocheng de l'Armée populaire de libération non pas une mais deux fois. D'abord le 30 octobre 2020, quatre jours seulement avant les élections. Le deuxième appel a eu lieu le 8 janvier, deux jours après que les partisans de Trump aient pris d'assaut le Capitole. Milley a cherché à assurer à Li que les États-Unis étaient stables et n'allaient pas attaquer la Chine. Cependant, a-t-il dit, s'il devait y avoir une attaque, il alerterait son homologue à l'avance. Schizophrénie? Cela a placé Li dans une position impossible. Comment le dire à son patron, Xi Jinping? Il devrait informer le président chinois qu'un général américain venait de lui affirmer qu'ils n'attaqueraient pas leur pays avec des armes nucléaires, mais que s'ils le faisaient quand même, ils les informeraient avant. Pouvez-vous lui faire confiance pour vous le dire à l’avance? Est-ce une menace voilée ? À tout le moins, vous devriez mettre vos forces en état d'alerte.

Imaginez ceci à l'envers. Si c'était un général chinois qui avait appelé son homologue américain pour lui dire la même chose. Les États-Unis affirmeraient que la Chine est hors de contrôle. La réponse au Capitole serait apoplectique. Les talk-shows demanderaient aux téléspectateurs si les États-Unis devraient ou non lancer une frappe préventive.

Ainsi inaugure l'ère d'Aukus. Ce n'est pas une version du Covid. L'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont annoncé un pacte de sécurité pour partager des technologies de défense avancées.

Le partenariat permettra à l'Australie de construire pour la première fois des sous-marins à propulsion nucléaire.

Le pacte couvrira également l'intelligence artificielle, les technologies quantiques et le cyberespace. C'est du moins la version officielle. En réalité, il vise Pékin où il est considéré comme une feuille de vigne pour couvrir le retrait des États-Unis de la région Asie-Pacifique. Une nouvelle alliance militaire. Juste pour le plaisir d'argumenter, supposons que la marine de l'APL se trouve dans une impasse avec un navire de guerre britannique ou australien. Les États-Unis protégeraient-ils leurs alliés ou sonneraient-ils Pékin ?

Le président américain Joe Biden a même été snobé par Xi. Il fut un temps, jusqu'à tout récemment, où un sommet avec un président américain était considéré comme une énorme victoire de propagande pour la Chine. Plus maintenant. Biden a suggéré la possibilité d'une rencontre avec Xi lors d'un appel téléphonique le 10 septembre, mais le président chinois a rejeté la proposition. Cela fait plus de 600 jours que Xi n'a pas quitté la Chine, apparemment à cause du Covid. Mais les raisons pour lesquelles il ne voulait pas rencontrer Biden sont politiques plutôt que liées à la santé; tout simplement, il n’y avait rien à en retirer au niveau national.

Les réunions Nixon-Mao du début des années 1970 ont introduit une période de politique d'intérêt mutuel ancrée par un engagement accru. Pour la Chine, c'était une voie vers la modernisation et la croissance. Pour les États-Unis, les réunions ont offert la perspective d'un marché énorme et la fin d'une menace d'un scénario de guerre froide.

Cette relation n'a pas déraillé par l'effusion de sang sur et près de la place Tiananmen en 1989 ou l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce en 2001, ni suite à ses excédents commerciaux avec les États-Unis. Elle a survécu au bombardement américain de l'ambassade de Chine à Belgrade en 1999 et à la décision occasionnelle de la Maison Blanche de vendre des armes à Taïwan ou de rencontrer le Dalaï Lama. Les affrontements au sujet de la censure et des droits de l'homme, qui s'estompèrent au cours des dernières années, n'ont pas non plus provoqué trop de bouleversements. Nixon a été le premier des 10 présidents américains à avoir géré les relations avec la Chine. Xi est le troisième dirigeant chinois depuis la réforme de Deng Xiaoping.

La Chine sous Xi est moins accommodante, moins disposée à s'engager et moins sûre de la valeur des relations américaines. Son succès économique a alimenté un nationalisme auquel l'Occident n'a jamais eu à faire face auparavant. Après tout, malgré le succès apparent du rapprochement, un général américain a néanmoins suggéré que son pays pourrait attaquer la Chine. Cela aura des implications profondes.

Les liens commerciaux se sont en fait découplé des tensions politiques. Les données officielles chinoises montrent que le commerce bilatéral entre les deux pays a connu une augmentation en 2021. Ironiquement, cela augure mal pour les relations futures. On prétendait autrefois que des liens commerciaux plus étroits conduiraient à un plus grand engagement politique. Ce n'est clairement pas le cas. La Chine a d'immenses problèmes, notamment un ralentissement de l'économie, la pollution et la corruption. Mais malgré cela, Xi pense que le temps de la Chine est venu. Il pourrait même dire à Li de mettre en attente tous les appels de Washington.

Tom Clifford, maintenant en Chine, a travaillé au Qatar avec Gulf Times de 1989 à 1992 et a couvert la guerre du Golfe pour des journaux irlandais et canadiens ainsi que pour d'autres organisations médiatiques.

Lien de l’article en anglais:

https://www.counterpunch.org/2021/09/17/hello-china-this-is-the-pentagon-calling/

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