Le mouvement communiste français est-il mort ?

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Par Nikos Mottas pour In Defense of Communism le vendredi 15 avril 2022

Affiche féministe du PCF de 1978 proposant aux femmes d’adhérer au parti

Affiche féministe du PCF de 1978 proposant aux femmes d’adhérer au parti

Macron contre Le Pen et Le Pen contre Macron. Une fois de plus le peuple français est appelé à choisir entre «Charybde» et «Scylla», enfermé dans la notion du «moins mal».

On a vu ce jeu par le passé: en 2017, quand Emmanuel Macron et Marine Le Pen étaient à nouveau les deux candidats au second tour de l'élection présidentielle, ainsi qu'en 2002 quand Jacques Chirac affrontait Jean-Marie Le Pen passé second laissant derrière lui le social-démocrate Lionel Jospin.

Le système politique bourgeois qui alimente et nourrit systématiquement l'extrême droite, l'utilisant comme un «croque-mitaine» contre la radicalisation de la classe ouvrière, est le même qui, lors des élections, met en place des «fronts démocratiques» et des «fronts contre le populisme».

Malheureusement, l'incapacité totale du mouvement communiste français à exprimer et à mobiliser la classe ouvrière et les couches populaires vers une direction radicale en conflit avec la direction bourgeoise et les intérêts du capital, a contribué de manière significative à l'enfermement du peuple dans la politique de l'établissement capitaliste. Le premier tour des élections françaises de 2022 a montré que le mouvement communiste de France reste plongé dans la disgrâce politique, incapable d'influencer les développements en faveur des masses laborieuses.

Évidemment, quand on parle de mouvement communiste, on ne fait pas référence au gauchiste Jean-Luc Mélenchon et à son parti «La France Insoumise» qui s'est classé troisième avec 21,95 % au premier tour. Mélenchon n'a rien à voir avec le socialisme-communisme. A la lecture du programme politique et des positions de «La France Insoumise», on comprend bien que Monsieur Mélenchon exprime une plate-forme social-démocrate visant à gérer le système capitaliste. Les quelques slogans radicaux (par exemple Désengagement de l'OTAN) ne suffisent certainement pas à masquer la nature réelle de «La France Insoumise» en tant que parti de l'établissement bourgeois qui vise à maintenir les masses populaires dans des perceptions réformistes.

Après tout, étant membre de la «Gauche unitaire européenne» (GUE/NGL) au Parlement européen, aux côtés d'autres partis sociaux-démocrates comme le Grec SYRIZA, l'Allemand Die Linke et l'Espagnol Podemos, le parti de Mélenchon agit comme un « rempart » contre la radicalisation de l'indignation populaire, en répandant des illusions sur une gestion dite «pro-populaire» du capitalisme, la «réforme» de l'UE et des traités européens, la promotion du «Green New Deal» comme antidote à la crise capitaliste.

La génération idéologique et le discrédit du Parti communiste français

Au premier tour des élections françaises, le candidat du Parti communiste français (PCF) Fabien Roussel n'a obtenu que 2,28% des voix. C'est la première fois depuis 2007 que le PCF participe à l'élection présidentielle avec son propre candidat; en 2012 et 2017 le parti avait entériné la candidature de Mélenchon. Pourtant, le discrédit apparent du PCF par les électeurs n'est pas nouveau. Aux élections de 2007, la candidate du parti d'alors, Marie-Georges Buffet, avait obtenu 1,93% tandis qu'en 2002, Robert Hue avait obtenu 3,37%.

L'effondrement électoral du Parti communiste français - le parti autrefois puissant de Maurice Thorez et de Jacques Duclos - reflète sa mutation et sa dégénérescence idéologique et politique, un processus qui a commencé il y a plusieurs décennies lorsque le PCF a adopté le courant opportuniste de l'eurocommunisme et s'est distancié des fondements idéologiques du marxisme-léninisme. Dans les années qui ont suivi les renversements de la contre-révolution en Union soviétique et en Europe de l'Est, la mutation réformiste du Parti communiste français s'est accélérée de manière irréversible, malgré les efforts honnêtes de certains des membres du parti pour résister à la dégénérescence idéologique.

Le Premier ministre Jospin (à gauche) avec le chef du PCF Robert Hue à Toulouse, 1998.

Le Premier ministre Jospin (à gauche) avec le chef du PCF Robert Hue à Toulouse, 1998.

N'oublions pas que le PCF a participé à des gouvernements sociaux-démocrates, comme ceux de Mitterrand et de Jospin, contribuant ainsi aux politiques anti-populaires qui ont conduit à la détérioration rapide du niveau de vie des couches ouvrières et populaires. Dans le même temps, le Parti communiste a soutenu le processus d'intégration européenne, en particulier le traité de Maastricht de 1992 qui est devenu le «tremplin» pour le renforcement ultérieur des politiques d'austérité et anti-ouvrières.

L'élection de Robert Hue à la tête du parti en 1994 et le 29e Congrès du PCF qui suivit en 1996 entérinèrent l'achèvement de la mutation idéologique du Parti: le centralisme démocratique fut aboli, l'Union soviétique fut qualifiée de «dictature sur le prolétariat», les références à la Révolution d'Octobre ont été éliminées, l'analyse basée sur la classe dans les documents du Parti a été remplacée par des généralisations sur la «mondialisation» et le «néolibéralisme», tandis que même les invocations symboliques au communisme, à la violence révolutionnaire et à la dictature du prolétariat, etc., ont cessé d'exister.

En 1997, une fois de plus, le Parti communiste français a soutenu le gouvernement de coalition social-démocrate sous Lionel Jospin, tandis qu'en 1999, la position du Parti vis-à-vis de l'intervention impérialiste de l'OTAN en Yougoslavie était tout à fait décevante : alors qu'il condamnait verbalement la violence militaire, en pratique il restait dans le gouvernement de coalition de la France fournissant ainsi une couverture à la guerre impérialiste.

Cela fait des années que le PCF a présenté «ses lettres de noblesse» à la classe bourgeoise française, en se transformant en pilier de la social-démocratie. Aujourd'hui, toute référence au Parti communiste français ne peut être perçue que comme une plaisanterie déplaisante, compte tenu du discrédit total du mouvement communiste du pays. Ce discrédit va de pair avec le recul plus large du mouvement ouvrier de classe organisé en France, la prédominance du syndicalisme pro-patronal et l'émergence de vagues mouvements sans classe comme les «Gilets jaunes» qui visent à désamorcer et manipuler les indignation d'une manière anodine pour l'establishment.

A l'heure où la classe ouvrière et le peuple sont pris au piège entre Macron et Le Pen, où Mélenchon joue le rôle d'une colonne de gauche de la politique bourgeoise, seule la montée de la lutte des classes en conflit avec le capital et son pouvoir peut apporter des développements pour les travailleurs de France. C'est pourquoi l'existence d'un parti communiste, avec une véritable stratégie révolutionnaire basée sur les principes marxistes-léninistes, est une nécessité absolue.

Dans ce contexte, l'existence de deux partis communistes, qui participent à la Rencontre internationale des partis communistes et ouvriers (IMCWP), donne l'espoir que le mouvement communiste en France puisse se relever de ses ruines. Le «Pôle de renouveau communiste en France» (PRCF) et le «Parti communiste révolutionnaire de France» (PCFR), malgré leurs capacités organisationnelles actuellement limitées, ont le potentiel d'exprimer les intérêts de larges couches ouvrières, d'attirer les progressistes et partie de la jeunesse du pays, afin de lancer la contre-attaque nécessaire contre le pouvoir du capital et des syndicats impérialistes. Pour une France sans exploitation, pour le socialisme-communisme. 

* Nikos Mottas est le rédacteur en chef de In Defense of Communism .

Lien de l'article en anglais:

http://www.idcommunism.com/2022/04/is-french-communist-movement-dead.html

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