Un ancien commandant d'un groupe rebelle kurde syrien accuse les Etats-Unis d'avoir laissé délibérément partir des milliers de combattants de l'Etat islamique à Raqqa
Par Ian Allen
Un ancien commandant de l'un des plus grands groupes rebelles kurdes syriens, récemment passé en Turquie, a accusé les Etats-Unis d'avoir accepté que des milliers de combattants islamistes lourdement armés fuient la ville de Raqqa en échange de la conquête de la ville. La ville syrienne a servi de capitale de facto de l'État islamique à partir du début de 2014 jusqu'en octobre de cette année, lorsqu'elle a été prise par une coalition de forces appuyées par les États-Unis et d'autres puissances occidentales. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), une milice à prédominance kurde, faisaient partie des groupes qui ont capturé Raqqa. L'un de ses porte-parole, Talal Silo, a déclaré aux correspondants des médias occidentaux en octobre que la coalition soutenue par l'Occident avait permis à moins de 300 combattants extrémistes de l'État islamique de quitter la ville ravagée par la guerre pendant les dernières étapes de la bataille.
Mais plusieurs agences de presse ont rapporté à l'époque qu'un grand convoi de véhicules, composé de dizaines de camions, d'autobus et de plus d'une centaine de voitures, avait été vu quittant Raqqa. La BBC a rapporté le 13 novembre que le convoi faisait 4 miles de long (environ 6 kilomètres) et se dirigeait vers Deir ez-Sor, un bastion de l'Etat islamique situé à deux heures de route au sud-est de Raqqa (Le reportage de la BBC, "Raqqa’s dirty secret", qui révèle que la coalition internationale (France, Grande-Bretagne et Etats-Unis) a aidé environ 4000 membres de l'Etat islamique à fuir Raqqa en toute tranquillité, peut être consulté sur le lien suivant: http://www.bbc.co.uk/news/resources/idt-sh/raqqas_dirty_secret). Les partenaires de la coalition, notamment les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France, ont nié l'existence d'un tel convoi. Mais les affirmations de la BBC ont maintenant été corroborées par Silo, le même porte-parole des FDS qui, en octobre dernier, les avait rejetées comme fictives. En octobre, Silo, qui est un turkmène syrien, a fait escale en Turquie et vit maintenant à Ankara sous haute protection de sécurité. Il a déclaré à l'agence de presse Reuters que les affirmations de la BBC étaient correctes et que le nombre de militants de l'Etat islamique autorisés à quitter Raqqa avec leurs armes était de l'ordre de plusieurs milliers et non pas 300 comme l'avait auparavant déclaré les FDS.
Selon Silo, un accord secret a été conclu entre la coalition soutenue par l'Occident et l'État islamique pour l'évacuation de "quelque 4000 personnes" de Raqqa. Parmi ces derniers, moins de 500 étaient des civils non armés, a déclaré Silo. Il a ajouté que le convoi s'est rendu à Deir ez-Sor, qui à l'époque était encore sous le contrôle de l'État islamique. Le transfuge des FDS a également déclaré à Reuters que l'accord conclu avec l'Etat islamique avait été tenu secret aux correspondants des médias. Ces derniers ont été informés qu'ils n'étaient pas autorisés à s'approcher de Raqqa en raison des combats acharnés, alors que le véritable objectif était de les empêcher d'assister au départ pacifique des convois de l'Etat islamique. D'après Silo, l'accord a été approuvé par tous les membres de la coalition soutenue par l'Occident, y compris les États-Unis.
Jeudi, les FDS ont nié que les allégations de Silo étaient vraies et ont prétendu qu'il était poussé à les faire par la Turquie. Le gouvernement turc accuse les FDS d'être une branche syrienne du Parti des travailleurs kurdes (PKK), avec lequel il est en guerre. Les responsables militaires américains ont également nié les affirmations de Silo, les qualifiant de "fausses et artificielles". Les responsables ont déclaré que les Etats-Unis "ne concluent pas d'accord avec des terroristes".
Par Ian Allen pour IntelNews le 8 décembre 2017
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