Winnie Nomzamo Madikizela-Mandela 1936-2018

Publié le

Par Charlie Kimber pour Socialist Worker le 4 avril 2018

Winnie Mandela est décédée le lundi 2 avril 2018

Winnie Mandela est décédée le lundi 2 avril 2018

Winnie Nomzamo Madikizela-Mandela a représenté certains des éléments les plus courageux de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, mais aussi ses faiblesses. Et elle était beaucoup plus que simplement "l'épouse de Nelson Mandela".

Elle est née en 1936 dans une famille relativement aisée - ses deux parents étaient des enseignants. Mais sa mère mouru quand elle avait neuf ans, et la vie devint alors beaucoup plus difficile.

Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela était une adolescente quand le vil système de l'oppression raciale systématique - l'apartheid - a officiellement été codifié. La majorité noire du pays, qui n'avait ni droit de vote ni aucun autre droit, fut contrainte de vivre dans des zones séparées des Blancs et d'utiliser des installations publiques séparées.

Elle devint assistante sociale et trouva un emploi à l'hôpital Baragwanath de Soweto. Elle rencontra et épousa Nelson Mandela en 1958 et s'impliqua dans la campagne des femmes contre la loi sur les laissez-passer.

Cette loi limitait les endroits où les Noirs pouvaient voyager et les obligeaient à se soumettre à des humiliants contrôles de documents.

Elle joua également un rôle de premier plan dans la Ligue des femmes de l'ANC.

C'était déjà une raison suffisante pour que le pouvoir s'en prenne à elle. Mais l'arrestation de Mandela et son emprisonnement à vie en 1964 eurent pour conséquence que Madikizela-Mandela fut l'objet d'une attention féroce de la part de l'Etat.

Elle fut à plusieurs reprises interdite du droit de parler publiquement, obligée de se présenter au poste de police une fois par jour et de rester à la maison entre 18 heures et 6 heures 30 du matin. À d'autres moments, elle fut emprisonnée, condamnée à l'isolement et torturée.

Ce fut un processus qui, m'a-t-elle dit, "m'a appris à haïr".

Mais elle continua à se battre. Elle recruta pour l'ANC, aida à rédiger des tracts et organisa les parents pour soutenir les étudiants lors de la grande révolte de Soweto en 1976.

Elle offrit sa solidarité aux révolutionnaires noirs, même quand ils ne faisaient pas partie de l'ANC.

Souffrance

L'ANC aimait son image d'épouse souffrante de Mandela, mais était moins sûre de son indépendance de pensée.

Dans les années 1980, les grèves de masse et les soulèvements dans les townships poussèrent l'apartheid au bord de la défaite. Des organisations démocratiques se créèrent dans les townships. Mais ensuite, la répression de 1986 et l'imposition de l'état d'urgence détruisirent beaucoup de ces mouvements.

Les petits groupes dans les townships prirent alors un caractère différent, se développant indépendamment du mouvement qui les avait produits.

Ils se transformèrent en version locale du pire aspect de la politique nationaliste de l'ANC. Les dirigeants ne pouvaient pas être remis en cause et dirigeaient les masses qui se retrouvèrent dans l'impossibilité d'agir par elles-mêmes.

L'ANC et Madikizela-Mandela n'ont jamais cru à la révolution ouvrière venue d'en bas. Ils poussèrent à un processus descendant qui apporterait le salut d'en haut.

Madikizela-Mandela retourna à Soweto au moment où les townships se trouvaient dans la tourmente. Elle forma le "Mandela United Football Club" qui agissait comme une police privée et punissait durement des gens souvent complètement innocents.

A la même époque, Madikizela-Mandela fit ce qui est devenu par la suite un discours célèbre en déclarant: "Nous n'avons pas de fusils - nous n'avons que des pierres, des boîtes d'allumettes et de l'essence. Ensemble, main dans la main, avec nos boîtes d'allumettes et nos colliers, nous libérerons ce pays." Il s'agissait d'une référence à la pratique consistant à tuer les présumés informateurs en plaçant un pneu imbibé d'essence autour du cou et en l'allumant.

Le but de ce discours était en partie d'opposer le pouvoir cruel du régime d'apartheid aux faibles ressources disponibles pour les opprimés. Mais il fut considéré comme un appel scandaleux au meurtre et irrita les dirigeants de l'ANC.

Assassiné

En 1989, Stompie Moeketsi, âgé de 14 ans, fut kidnappé, accusé (à tort) d'être un indicateur de police et assassiné par Jerry Richardson, membre du "Football Club". Richardson affirma ensuite que Madikizela-Mandela lui avait ordonné d'effectuer le meurtre.

Deux ans plus tard, elle fut accusée et reconnue coupable du kidnapping. Elle échappa à la prison en appel.

Socialist Worker s'est opposée à ses actions mais a également écrit à l'époque: "L'Etat d'apartheid, encore dégoulinant du sang des Noirs, n'a pas le droit de porter un jugement sur Winnie Mandela. Les seules personnes qui peuvent vraiment la juger sont celles du mouvement de masse qui risquent quotidiennement leur vie pour libérer l'Afrique du Sud de l'apartheid."

La libération de Nelson Mandela en 1990 plaça Madikizela-Mandela sous les projecteurs. Elle restait très populaire auprès des activistes, remportant une victoire électorale éclatante pour l'exécutif national et dirigeant la Ligue des femmes de l'ANC.

Elle devint ensuite ministre du gouvernement, mais ne fit jamais les compromis et les ententes qu'on attendait d'elle.

Et alors que la "modération" du nouveau gouvernement de l'ANC et son incapacité à affronter les centres du pouvoir conduisaient à une colère de masse, Madikizela-Mandela s'exprima à nouveau.

"Mandela nous a laissés tomber," déclara-t-elle. "Il a accepté un mauvais compromis pour les Noirs. Économiquement, nous sommes toujours à la masse. L'économie est restée très "blanche". Il a quelques noirs symboliques, mais beaucoup de ceux qui ont donné leur vie dans la lutte sont morts sans récompense."

Plus récemment, Madikizela-Mandela fut enthousiasmée par les dirigeants des "Economic Freedom Fighters", venus pour la plupart de l'aile gauche de l'ANC.

Madikizela-Mandela a combattu l'apartheid avec héroïsme. Mais, comme l'ont montré ces 25 dernières années, la politique qu'elle représentait n'a pas pu apporter une véritable libération.

Lien de l'article:

https://socialistworker.co.uk/art/46384/Winnie+Nomzamo+Madikizela+Mandela+1936+2018

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