La marée russophobe monte alors que la Grande-Bretagne est un cas désespéré

Publié le

Par George Galloway pour RT English le 19 décembre 2018

George Galloway a été membre du Parlement britannique pendant près de 30 ans. Il présente des émissions de télévision et de radio (y compris sur RT). C'est un cinéaste, écrivain et orateur de renom.

Jouets pour chiens sur le thème de Theresa May, Boris Johnson et Jeremy Corbyn (Crédit photo Reuters/Phil Noble)

Jouets pour chiens sur le thème de Theresa May, Boris Johnson et Jeremy Corbyn (Crédit photo Reuters/Phil Noble)

En près de 30 ans en tant que député et 20 autres années à regarder la scène de l’extérieur, je n’ai jamais vu ni imaginé un Royaume-Uni comme celui-ci.

"Ce n'est pas une seule foutue chose, c'est une foutue chose après une autre", a déclaré l'ancien premier ministre conservateur Harold MacMillan. Que la Grande-Bretagne n'ait plus de premier ministre en état de fonctionner, c'est une foutue chose. Ajoutez à cela un gouvernement dysfonctionnel, un parlement de moutons, une politique étrangère absolument honteuse, des médias contrôlés par l’Etat profond, un avenir économique totalement incertain en conflit avec le continent européen et notre relation privilégiée avec les États-Unis minée par un effondrement parallèle des structures du pouvoir à Washington, il est difficile de ne pas être pessimiste quant à l'avenir.

L'image de la première ministre quittant précipitamment la chambre quelques secondes après que le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn ait manœuvré de manière astucieuse vis-à-vis de tout le monde (y compris de son propre parti) en présentant une motion de censure dirigée non pas contre le gouvernement - ce qui aurait uni les deux camps opposés à des élections générales anticipées: les dindes votent rarement pour un Noël anticipé - mais contre la première ministre personnellement. C'était une hypothèse raisonnable de supposer que certains au moins des 117 députés conservateurs qui venaient d'exprimer leur propre manque de confiance en Theresa May pourraient le faire à nouveau, ou alors s'en laver les mains et s'abstenir. Après tout, ils seraient alors débarrassés d’elle et conserveraient leur gouvernement.

Il était également raisonnable de penser que les adhérents du Parti unioniste démocrate, les zélotes protestants du nord de l’Irlande, principaux alliés du gouvernement, feraient de même, compte tenu des anathèmes récemment lancés par eux contre Mme May, accusant cette dernière de trahison et de les avoir vendus, ce qui est leur lingua franca depuis cent ans.

Mais il n'y a rien de rationnel dans la politique britannique en ce moment.

Jacob Rees-Mogg, l'honorable député du 18ème siècle, qui était devant le palais en costume croisé la semaine dernière pour implorer la reine de renvoyer la première ministre, a maintenant la possibilité de déclarer qu'elle n'est pas apte à être le chef du parti conservateur mais qu'elle peut diriger le pays ! Pareil pour les opposants anti-UE tout aussi fanatiques que la droite conservatrice et même que le Parti unioniste démocrate.

Néanmoins, la première ministre est si sûre que cette motion de censure dirigée contre elle-même serait rejetée qu'elle refuse de lui laisser le temps d’être débattue et mise aux voix. Et la piètre excuse pour le parlement que nous avons est de la laisser s'en tirer!

Pendant ce temps, sentant qu'elle ne sera pas longtemps première ministre, le gouvernement de May a commencé à se fissurer au grand jour. Contrevenant aux règles habituelles de responsabilité collective du gouvernement, un ministre après l'autre commence à exprimer ses propres opinions face à l'impasse du Brexit. La semaine dernière, nous avons pu voir une réunion exceptionnelle du gouvernement par téléconférence. En vue de la campagne pour le leadership conservateur et de la prochaine lutte pour le pouvoir, des comptes Twitter sont en préparation, on s'assure discrètement des locaux, des lignes téléphoniques sont achetées.

Les dirigeants de l'UE déclarent publiquement et quotidiennement que les négociations avec la Grande-Bretagne sont terminées et qu'aucune autre concession ne sera faite. Le Premier ministre insiste sur le fait que les discussions se poursuivent - avec qui, comment et à propos de quoi, nous n'en savons pas plus dans cette "démocratie parlementaire".

Au moment même où le Parlement britannique plonge dramatiquement dans l’estime publique, d’autres sphères de la société s'occupent à saper l’idée même de démocratie.

Alors que les retraités britanniques tremblent de froid au cœur de l’hiver, alors que les Nations Unies révèlent que des millions de nos enfants vivent dans la pauvreté ou crèvent de faim, alors qu'une vague de crimes et de meurtres se répand sur nos côtes, nous découvrons que notre 4ème pouvoir - les médias - au lieu de faire état de tout ou même de partie de ces choses ont choisi de n'en rien faire et de s'en remettre à leurs agents de renseignements, obsédés par... la Russie. Et, plus inquiétant encore, par le chef de l'opposition parlementaire britannique, Jeremy Corbyn.

La marée russophobe en Grande-Bretagne a augmenté inversement au sentiment de déclin du pays, ce qui peut difficilement être dissimulé ou être dû au hasard. Il n’est pas nécessaire d’être psychologue pour conclure qu’il s’agit d’un système de transfert classique. "Regardez par-là" est la nouvelle devise gravée sur le blason impérial.

Plus ils pleurent à propos des "médias d'Etat russes", plus notre État corrompt nos propres médias. Jour après jour, certaines des personnalités médiatiques les plus connues du pays se révèlent être intégrées non seulement aux services de renseignement britanniques, mais également aux services de renseignement militaires dans Integrity Initiative, l'enfant illégitime de Institute for Statecraft (L'Institute for Statecraft est un organisme qui se consacre à la modernisation de la pratique de l'État, à l'amélioration de la gouvernance et au renforcement de la sécurité nationale). Leurs employeurs aussi.

La BBC, sponsorisée par l'Etat, est bien sûr dans le coup. Cette semaine, elle a été prise la main dans le sac, "en flagrant délit de manipulation", selon les propos de son journaliste à Moscou, cherchant à déceler la main de Moscou derrière les manifestations de masse des Gilets jaunes en France - manifestations que les médias britanniques avaient globalement ignorées (sauf pour se plaindre du fait que RT les signalait). Le peuple français, comme nous le savons tous, serait incapable de prendre d'assaut la Bastille pour se débarrasser d'un gouvernement incapable. Il n'aurait jamais rêvé de faire une révolution en France si Vladimir Poutine n'existait pas…

Les déclarations et opinions exprimées dans cette colonne sont celles de l'auteur et ne représentent pas nécessairement celles de RT.

https://www.rt.com/op-ed/446851-russophobia-britain-may-corbyn/

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