Tri à travers les mensonges sur le Venezuela

Publié le

Par Pete Dolack pour Counterpunch le 1 février 2019

Caracas: Manifestation de soutien au président élu Nicolás Maduro

Caracas: Manifestation de soutien au président élu Nicolás Maduro

Défier l'hégémonie américaine n'est pas chose facile. Un pays n’a pas besoin d’être socialiste: il lui suffit d’exprimer son aspiration au socialisme ou tout simplement d’indiquer qu’il ne compte pas se comporter comme le dicte Washington.

Nous y voilà de nouveau, cette fois avec le Venezuela. Ironiquement, pour un pays dont les médias institutionnels prétendent avec insistance qu’il a été gouverné par deux «dictateurs» (rappelez-vous qu'Hugo Chávez a été régulièrement dénoncé exactement comme l’est Nicolás Maduro aujourd'hui), il serait difficile de trouver un pays qui offre davantage de possibilités de démocratie à la base, permettant aux citoyens ordinaires de participer aux décisions concernant leur vie et leur environnement. Cette démocratie de base a fait l’objet de certains reculs, et des plaintes légitimes ont été formulées contre la manière hiérarchique d’exercer le pouvoir du Parti socialiste uni au Venezuela (PSUV). Le gouvernement des États-Unis n’est toutefois pas en position de pointer ceci du doigt, compte tenu de son histoire en Amérique latine et de l’exclusion d’électeurs, pratiquée à grande échelle, qui caractérise régulièrement les élections aux États-Unis.

Il est également absurde d'affirmer que «le socialisme a échoué» au Venezuela, alors que 70% de l'économie du pays est entre des mains privées, que le pays est complètement intégré au système capitaliste mondial et qu’il est (excessivement) dépendant d'un produit de base dont le prix fluctue énormément sur les marchés. Le Venezuela est un pays capitaliste qui fait beaucoup plus que la plupart pour améliorer les conditions du capitalisme et dans lequel le socialisme reste une aspiration. Si quelque chose a "échoué", c'est le capitalisme. Laisser une grande partie de l'économie entre les mains des capitalistes leur laisse la possibilité de saboter une économie, une leçon douloureuse apprise dans les années 1980 dans le Nicaragua sandiniste.

Avant d'aborder les problèmes importants du Venezuela, principalement causés par la guerre économique menée par le gouvernement américain et par le sabotage économique intérieur organisé par les détenteurs privés d’intérêts industriels et commerciaux au Venezuela, il est utile d'examiner brièvement certaines des institutions démocratiques qui ont été mises en place depuis la Révolution bolivarienne initiée en 1998.

Les conseils communaux s'organisent au niveau du quartier. Ils forment la base du système politique vénézuélien. Diverses structures politiques conçues pour organiser les citoyens à la base se sont transformées en un système de conseils communaux, organisés au niveau des quartiers, qui forment les communes et les villes. Ce sont des organes de démocratie directe qui identifient et résolvent les problèmes et les insuffisances de leur quartier, avec l'appui direct et le financement du gouvernement national. Après des décennies de négligence de la part des gouvernements précédents, les problèmes à résoudre ne manquaient pas.

Comme beaucoup d’institutions de la Révolution bolivarienne, celles-ci ont leurs racines dans l’organisation à la base mise en place lors de la première élection d’Hugo Chávez.

L’Assemblée du Barrio de Caracas a été créée en 1991 en tant qu’assemblée générale représentant les groupes locaux. Elle a vu le jour après que des manifestations marquant les premier et deuxième anniversaires du soulèvement de «Caracazo» aient été dispersées par des soldats tirant depuis les toits. (Le soulèvement de «Caracazo» fut une révolte massive déclenchée par la résistance populaire face au programme d'austérité dicté par le Fonds monétaire international.) Des versions ultérieures de ces assemblées s’organisèrent à la veille du coup d'État de 2002 tentant de renverser le président Chávez. Parmi les actions de ces assemblées, citons la distribution de 100,000 tracts appelant à une marche vers le palais présidentiel pour défendre le gouvernement.

Les conseils communaux constituent la base d'une structure gouvernementale alternative, destinée à contourner le pouvoir local des organismes municipaux et à les remplacer. Il s'agissait d'une tentative de donner une forme concrète au concept de «pouvoir constituant», à savoir que les gens devraient participer directement aux décisions qui concernent leur vie et leur communauté. La législation adoptée en 2006 reconnut officiellement les conseils communaux et qui ont rapidement gagné en popularité - on en comptait environ 30,000 en 2009. Ces conseils sont formés dans des zones urbaines compactes comprenant 200 à 400 foyers, dans les villes, et une vingtaine dans les zones rurales. Tous les résidents du territoire sont éligibles pour participer. À leur tour, les conseils communaux s'organisent en intercommunalités et les intercommunalités s’organisent en communautés urbaines plus importantes, afin de coordonner des projets trop vastes pour un quartier ou mettre en œuvre des projets à plus grande échelle, tels que l'amélioration des services municipaux.

Les conseils communaux doivent proposer trois projets qui contribueront au développement de la communauté; le financement des projets approuvés proviendra généralement d'organismes nationaux. On constate une évolution intéressante dans le fait que  beaucoup (dans le cas des conseils étudiés par des chercheurs, une majorité) de ceux  qui ont joué un rôle actif dans les conseils communaux n'étaient pas politiquement actifs avant le coup d'État de 2002. En général, les femmes sont généralement plus nombreuses à participer activement que les hommes, et ce sont souvent les femmes plus âgées qui prennent la tête. La culture de la participation que les conseils encouragent et à laquelle le gouvernement bolivarien accorde beaucoup plus d’attention, pour la résolution des problèmes sociaux et des besoins des pauvres, que les gouvernements précédents, a facilité la syndicalisation des femmes. A son tour, cette nouvelle activité des femmes réduit les attitudes machistes traditionnelles. Le fait que les retraites soient maintenant beaucoup plus élevées, amenant la sécurité matérielle, permet également la participation. Les commissions de santé publique, traitant des problèmes de maladie, d'accès à la contraception et de maternité, sont souvent les lieux où commence la participation. Une fois impliquées, les femmes s'inscrivent à des programmes de formation, en plus grand nombre que les hommes.

Les communes créent souvent des entreprises pour fournir des emplois à la population locale et élaborer les produits de base nécessaires. La Commune El Panal 2012 à Caracas en est un exemple. El Panal exploite plusieurs entreprises et une banque communale. L'une des entreprises est une usine de conditionnement du sucre; il y a aussi des boulangeries. Les militants d'El Panal tissent également des liens avec les communes voisines à Caracas, dans le reste du pays et dans les campagnes - une initiative «Pueblo a Pueblo» rassemble des communautés urbaines et les agriculteurs en vue distribuer directement des produits alimentaires, éliminant ainsi les intermédiaires et les spéculateurs. El Panal organise également régulièrement des foires alimentaires dans lesquelles la viande, les légumes et d'autres aliments de base peuvent être achetés à des prix bien inférieurs aux prix du marché.

S'attaquer aux problèmes sociaux par le biais de missions

Il existe également des programmes sociaux appelés «Missions» qui reposent sur la participation directe des bénéficiaires. Inaugurées en 2003, plus de deux douzaines de Missions ont pour objectif de résoudre un large éventail de problèmes sociaux. Compte tenu de la corruption et de l'inertie de la bureaucratie d'État et de la réticence de nombreux professionnels à fournir des services dans les quartiers pauvres, les Missions ont été créées pour fournir directement des services, tout en permettant aux participants de définir les programmes. Le gouvernement a injecté beaucoup d’argent dans ces programmes, grâce au prix élevé du pétrole à l’époque, ce qui a permis au gouvernement Chávez de les financer.

Parmi ces Missions, Alimentación comprend le réseau Mercal qui fournit de la nourriture à des prix subventionnés et a mis en place un système de distribution; Cultura œuvre pour la décentralisation et la démocratisation de la culture afin que tous y aient accès et cherche à stimuler la participation de la communauté ; Guaicaipuro a pour mission de garantir les droits des peuples autochtones tels que spécifiés dans la constitution ; Madres del Barrio a été conçue pour apporter un soutien aux femmes au foyer qui vivent dans une pauvreté extrême et aider leurs familles à surmonter cette pauvreté; Negra Hipólita apporte son aide aux enfants, adolescents et adultes sans abri; Piar cherche à aider les communautés minières en rendant leurs conditions de vie plus dignes et en améliorant les pratiques environnementales; Zamora a pour mission de réorganiser les terres, en particulier les terres non cultivées qui peuvent être utilisées pour l'agriculture, conformément à la Constitution.

La politologue et historienne vénézuélienne Margarita López Maya a résumé l'ampleur de l’action des Missions dans un article du Socialist Register:

«Les Missions (ce sont des programmes qui se détournent des agences étatiques peu coopérantes ou inefficaces), telles que Barrio Adentro (soins de santé primaires gratuits et prévention des maladies pour les groupes à faible revenu), Mercal (distribution d’aliments à des prix subventionnés), Robinson 1 et 2 ( alphabétisation et enseignement primaire pour adultes), Ribas et Sucre (enseignement secondaire et universitaire pour ceux qui n’en ont pas bénéficié ou n’ont pas été jusqu’au bout), Vuelvan Caras (formation à l’emploi) et les écoles bolivariennes, où on a rétabli un horaire complet pour la journée, comprenant deux repas gratuits et deux collations, ainsi que la fourniture gratuite des uniformes et des manuels scolaires, ont eu sans aucun doute un impact politique positif. Le gouvernement a également investi dans l'économie sociale, comme dans les «Ruedas de negocios», dans lesquels la création de coopératives est encouragée afin de fournir des biens et des services au secteur public. Le gouvernement a également créé un système de microfinancement avec la Women’s Bank, la Sovereign People’s Bank, etc., qui consentent de petits prêts à des emprunteurs à faible revenu.»

Luttes pour la démocratie économique

Sur les lieux de travail, il existe des expériences de cogestion, de coopératives, d’unités de production socialistes et de conseils d’entreprise, qui ont fait l’objet de contestation: il s’agit d’une lutte à plusieurs niveaux, et qui se poursuit, sur ce que représente le «contrôle des travailleurs» sur l’industrie et sur les formes que ce contrôle devrait revêtir. Le statut de coopérative est inscrit dans la Constitution et une loi de 2001 stipule que tous les membres d’une coopérative doivent être inclus dans le processus de décision et que l’Assemblée de tous les membres a le pouvoir de décision final sur tous les sujets. Des travailleurs temporaires peuvent être embauchés pour une période maximale de six mois, à la suite de quoi ils doivent être acceptés comme membres. Un ministère d'État a été créé pour fournir une assistance aux coopératives et aux petites entreprises, notamment en facilitant l'obtention de contrats avec des sociétés d'État.

Il y a des difficultés ici. Un des problèmes principaux était que des coopératives se constituaient uniquement dans le but de toucher le capital de départ fourni par le gouvernement ou que de petites entreprises se convertissaient en coopératives sur le papier seulement, afin de tirer parti de la priorité préférentielle accordée pour l’accès aux marchés publics ou pour obtenir des subventions. En réponse à ces irrégularités, le gouvernement a commencé à exiger des coopératives l’obtention d’un «certificat de respect des obligations», qui comprend des audits financiers et une démonstration du travail accompli dans leur communauté locale. Néanmoins, il existe de nombreux exemples d'entreprises coopératives réussies.

Il existe également des Unités de production socialistes. Il s’agit d’entreprises à but non lucratif appartenant à l’État, gérées démocratiquement par une organisation composée de travailleurs, de membres des conseils communaux locaux et de représentants du gouvernement national. Ces entreprises sont destinées à fournir des services locaux, tels que le transport et la distribution de gaz de cuisson et la création de biens. Bien que les travailleurs soient directement impliqués dans la prise de décision dans ces entreprises, l'État y joue également un rôle qui peut parfois conduire à des tensions. Les biens produits sont le plus souvent distribués par l'intermédiaire de la chaîne de supermarchés appartenant à l'État, Mercal, qui fournit des produits alimentaires à des prix subventionnés, ainsi que de PDVAL, un réseau de distribution de produits alimentaires géré par l'État. Ces réseaux de fourniture et distribution sont souvent exploités à perte, car destinés à fournir aux communautés les biens et services nécessaires à prix réduits.

Les entreprises publiques sont un sujet de contestation permanent. Certains considèrent qu’elles sont la propriété de l'État, avec participation des travailleurs, d'autres défendent l'autonomie totale des entreprises et des travailleurs, et il existe différentes positions entre les deux extrêmes. Certaines directions ne souhaitent pas céder le pouvoir décisionnel à leur personnel et certains fonctionnaires, même s'ils font partie du mouvement bolivarien, s'opposent au contrôle des travailleurs, parfois parce qu'ils croient au contrôle supérieur de l'État. Il existe des entreprises d’État dans lesquelles les modes de gestion ont changé plusieurs fois au fur et à mesure que différentes factions acquièrent temporairement le contrôle.

Pour illustrer ce va et vient entre des tendances et des intérêts opposés, prenons l’entreprise d’État, Alcasa, (fusion de l’aluminium) qui avait un système de contrôle des travailleurs en cogestion, qui fonctionnait bien et  qui avait permis de résoudre les problèmes d’endettement. Un nouveau directeur a été nommé, qui tourné le dos à la structure de cogestion. Résultat : une baisse de la productivité et le retour de la corruption. Puis retour à la cogestion, lorsque le président Chávez a nommé un nouveau président de la société choisi par les travailleurs. Le contrôle des travailleurs a été rétabli avec de nouvelles structures et, en raison de la situation financière précaire causée par la corruption de la période intermédiaire, les travailleurs ont commencé à concevoir des pièces à produire en interne au lieu de les acheter à des fournisseurs comme auparavant. D'autres difficultés sont apparues lorsqu'un syndicat dissident de connivence avec le gouverneur de l'État local a tenté d'arrêter la production et, bien qu’il n’ait pas réussi, cela a provoqué une perturbation importante. Un autre changement de direction voulu par Chávez a entraîné une nouvelle détérioration de la cogestion et les difficultés à Alcasa se sont poursuivies.

Guerre économique chez soi et à l'étranger

On ne peut espérer que le passage d’une économie capitaliste traditionnelle à une démocratie économique participative se fasse en douceur, en particulier lorsque cette tentative est menée dans un pays doté d’un statut subalterne dans le système capitaliste mondial. Le président Chávez a dû résister à trois tentatives successives pour se débarrasser de lui : le coup d’Etat de 2002, le lock-out de 2002-03 et le référendum de rappel de 2004. Il a été élu cinq fois président, avec jamais moins de 55% des voix, et a remporté au total 16 des 17 élections et référendums auxquels son mouvement a participé. Le système électoral mis en place par le gouvernement Chávez a été déclaré par le Carter Center de l’ancien président américain Jimmy Carter comme étant «le meilleur au monde». Rien de tout cela n’a empêché le défunt président d’être violemment qualifié de «dictateur».

Après sa mort, pourtant, les opposants à la Révolution ont intensifié leurs attaques, croyant apparemment que la perte de son dirigeant rendrait la Révolution vulnérable. En réalité, la Révolution bolivarienne a toujours été un mouvement porté par des millions de personnes qui ne renonceront pas facilement aux nombreux progrès qu’elles ont réalisés et qui poussaient le défunt président à aller plus loin encore. Le Venezuela a une longue tradition de mouvements forts et organisés, antérieurs à la révolution bolivarienne. En dépit des difficultés de ces dernières années et de la désapprobation croissante de la population à l’égard du président Maduro, ces mouvements ne souhaitent pas que leurs acquis soient annulés. Au cours des années Chávez, le chômage et la pauvreté ont été considérablement réduits et les citoyens ont pu participer au processus politique pour la première fois.

Dans quelle mesure les graves problèmes économiques du Venezuela sont-ils imputables au président en exercice? Une partie de la faute peut être de sa responsabilité, principalement à cause de son incapacité à agir en temps voulu, ce qui a permis à des problèmes fomentés par des forces extérieures de se creuser. Une grave erreur a été commise au cours des vingt dernières années: aucun effort n’a été fait pour réduire la forte dépendance du Venezuela à l’égard des exportations de pétrole. Lorsque les prix du pétrole étaient élevés, le gouvernement se contentait de laisser l'argent couler et de l'utiliser pour financer des programmes sociaux et financer un grand nombre de projets de toutes sortes. Mais l’effondrement des prix du pétrole a rendu le gouvernement vulnérable. Avec une économie non diversifiée, la perte est plus grande lorsque les inévitables baisses de prix se produisent et il devient difficile de soutenir la consommation, car de nombreux produits de consommation doivent être importés.

Le recours excessif à un seul produit d'exportation est déjà difficile à surmonter en soi. Mais ce qui aggrave énormément les problèmes du Venezuela, ce sont les sanctions américaines, la surévaluation de la devise de manière sévère et la spirale inflationniste résultant de cette surévaluation qui a encouragé les marchés noirs et la contrebande. La mauvaise gestion du président Maduro a intensifié les dégâts causés par ces facteurs. Bien que le gouvernement vénézuélien ait fixé un taux de change officiel pour sa monnaie, le bolívar, le taux de change effectif a été déterminé par les spéculateurs internationaux, de sorte que la valeur du bolívar n'est pas sous le contrôle de Caracas.

Les spéculateurs ont provoqué une réduction de 97% de la valeur du bolívar en 2017. De nouvelles réductions drastiques de la valeur de la monnaie se sont poursuivies jusqu'en 2018. La valeur ou la production de l'économie vénézuélienne n'ont pratiquement pas chuté d’une manière comparable. Il existe donc d'autres facteurs à la manœuvre ayant entraîné une réduction aussi drastique de la valeur de change. Mais comme le gouvernement Maduro n’a pas réajusté le taux de change officiel lorsque le bolivar a été attaqué, l’écart entre le taux officiel et le taux de facto s’est élargi au point de créer de vastes possibilités de contrebande et d’opérations au marché noir. Entraînant la pénurie et une hyperinflation.

Ces événements sont la conséquence de l’intégration du Venezuela dans le système capitaliste mondial et de la forte dépendance du pays à l’égard des importations. Les denrées alimentaires et les biens de consommation destinés à être vendus à prix réduit dans les magasins d'État ont été détournés vers le marché noir, où les profiteurs les ont vendus à des prix plusieurs fois supérieurs ou les ont introduits en contrebande en Colombie pour réaliser d'énormes profits. Les responsables gouvernementaux ont à plusieurs reprises découvert de grandes quantités de biens de consommation cachés dans des entrepôts par des capitalistes locaux, qui provoquent artificiellement des pénuries.

Durcissement des sanctions financières

Les sanctions imposées par le gouvernement américain au Venezuela interdisent à toute citoyen américain ou à toute banque de financer ou d’acquérir toute dette émise par le gouvernement vénézuélien ou la compagnie pétrolière nationale PDVSA, ceci afin de rendre plus difficile la collecte de fonds internationaux par le gouvernement ou la restructuration de la dette.

Ces sanctions sont effectivement extraterritoriales. Une banque non américaine qui souhaite effectuer une transaction en dollars américains (la devise la plus souvent utilisée dans les transactions internationales) doit le faire en compensant la transaction par l’intermédiaire d’une banque américaine; une banque américaine compenserait une telle transaction violerait les sanctions. L’administration Obama a intensifié la guerre financière américaine contre le Venezuela en déclarant de manière ridicule que ce dernier était «une menace pour la sécurité nationale» et l’administration Trump a publié une série de décrets resserrant les vis.

Le dernier, publié le 28 janvier, bloque tous les biens et intérêts de PDVSA soumis à la juridiction des États-Unis - en d’autres termes, empêche le Venezuela de tout accès aux bénéfices générés par CITGO, filiale américaine de PDVSA, ou empêche toute activité de PDVSA aux États-Unis. L'administration Trump s'attend à ce que le Venezuela perde onze milliards de dollars américains cette année, rapporte le New York Times. Ce geste s’ajoute aux appels répétés du gouvernement Trump en faveur d’un renversement du gouvernement vénézuélien, aux menaces d’invasion du président Trump, et au fait que le gouvernement Trump ait "reconnu" le chef de l’opposition Juan Guaidó comme président, bien que Guaidó ne se soit jamais porté candidat à ce poste et soit en grande partie inconnu du public vénézuélien. Une insulte supplémentaire est la nomination de Elliott Abrams, le major des Escadrons de la mort, pour «superviser» le «retour à la démocratie», une idée qui ferait rire si l’action d’Abrams en Amérique latine sous l’administration Reagan n’était pas aussi meurtrière.

Des administrations américaines successives ont subventionné des groupes d’opposition - environ 100 millions de dollars US ont été versés au Venezuela pour tenter de renverser le gouvernement élu.

Alan MacLeod, spécialiste des études sur les médias, a résumé l’effet extraterritorial des sanctions américaines:

«Les sanctions découragent fortement les autres pays de prêter de l'argent au pays, par peur de représailles, et découragent toute entreprise de faire des affaires dans ce pays également. Une étude du spécialiste des sciences économiques, candidat de l’opposition à la présidence en 2018, suggère que les sanctions sont responsables d’une chute de 50% de la production de pétrole. De plus, les sanctions imposées par Trump empêchent que les profits de CITGO, propriété du Venezuela, soient rapatriés au Venezuela. Trump a également menacé les banques de trente ans d'emprisonnement si elles coopéraient avec Caracas et en a intimidé d'autres. "

Le président Maduro est appelé régulièrement un «dictateur», une épithète sans fin répétée dans les médias. Mais lorsqu'une partie des opposants boycotte, peut-on s'étonner que le président sortant l'emporte ? L’opposition a en fait demandé aux Nations Unies de ne pas envoyer d’observateurs, ce qui signifie qu’elle s’attendait à une élection juste, en dépit de leurs prévisions selon lesquelles les élections seraient truquées. Néanmoins, une coalition de syndicats canadiens, de responsables d'églises et d'autres responsables a déclaré que l'élection avait été «un processus électoral transparent, sûr, démocratique et bien organisé».

Malheureusement, il y a tout lieu de s’inquiéter, étant donné l’hostilité des gouvernements américains et des capitalistes à toute volonté de s’affranchir des États-Unis ou d’orienter l’activité économique de façon qu’elle profite aux populations locales plutôt que de maximiser les profits des multinationales américaines. Les États-Unis ont envahi militairement les pays d'Amérique latine et des Caraïbes à 96 reprises, dont 48 au XXe siècle. Ce total ne représente que les interventions directes et ne comprend pas les coups d'État fomentés par les États-Unis, comme au Guatemala en 1954 et au Chili en 1973. Le Guatemala ne tentait rien de plus "radical" qu'une réforme agraire qui aurait obligé United Fruit à vendre des terres non cultivées au prix sous-évalué, fixé par United Fruit elle-même (une auto-évaluation faite par United Fruit pour éviter de payer une part équitable des impôts). Les États-Unis ont renversé le gouvernement et institué ce qui allait devenir un cauchemar de 40 ans de meurtres de masse organisés par l'État, qui ont finalement coûté la vie à 200 000 personnes. L’effort chilien de construction d’une économie humaine s’est achevé avec le renversement de Salvador Allende et l’installation d’Augusto Pinochet et de son régime meurtrier qui a plongé les Chiliens dans la misère.

On ne peut pas s’attendre à un résultat différent si les États-Unis réussissent à renverser le gouvernement vénézuélien et à mettre en place un gouvernement de droite qui annulerait les nombreux gains des vingt dernières années. Ne touchez pas au Venezuela !

Pete Dolack a écrit le blog System Disorder et a été activiste auprès de plusieurs groupes. Son livre, Ce n’est pas fini : Tirer les leçons de l’expérience socialiste, est disponible chez Zero Books.

Lien de l’article en VO:

https://www.counterpunch.org/2019/02/01/sorting-through-the-lies-about-venezuela/

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