Histoire: En 1793, le marquis de Sade demande aux autorités révolutionnaires de convertir les églises chrétiennes en ‘temples de la raison’
Le marquis de Sade, plutôt connu pour ses nouvelles libertines provocantes, était surtout un athée et un révolutionnaire qui a été emprisonné pour ses opinions à l’époque du régime autocratique de Louis XVI. Mais dès la Révolution il s’engage à fond pour les révolutionnaires et réclame en 1793 la transformation des églises en «temples de la raison». Proche des Hébertistes athées, il sera par la suite emprisonné par Robespierre qui était farouchement opposé à l’athéisme. Condamné à mort, il sera sauvé in-extremis par la chute de Robespierre le 10 thermidor an II (28 juillet 1794).
Ci-dessous, l’article que l’intellectuel américain Mitchell Abidor lui a consacré:
Le marquis de Sade: pétition en soutien des temples au culte de la raison
Source : Henri d'Almeras, Le Marquis de Sade: l'Homme et l'écrivain. Paris, A. Michel, 1906;
Traduit en anglais par Mitchell Abidor
Le marquis de Sade
Note du traducteur (Mitchell Abidor): Après avoir été libéré par la révolution de son emprisonnement pour une peine datant de l'ancien régime, le marquis de Sade est devenu le secrétaire de la section révolutionnaire des Piques. En 1793, il fut l'auteur de la pétition de la section appelant à la conversion des églises en temples au culte de la raison.
Voici le texte de sa pétition:
Législateurs:
Le règne de la philosophie a finalement anéanti celui de l'imposture. L'homme devient enfin éclairé et, détruisant d'une main les jouets frivoles d'une religion divine, il élève de l'autre un autel à la divinité la plus chère à son cœur. La raison remplace Marie dans nos temples, et l'encens qui brûlait aux genoux d'une femme adultère ne sera de nouveau allumé qu'aux pieds de la déesse qui a brisé nos chaînes.
Législateurs: ne nous aveuglons pas. Cette avancée rapide est plus l'œuvre de nos mœurs républicaines que du progrès de notre raison. C'est uniquement grâce à l'énergie de notre gouvernement que nous devons cet élan rigoureux. La philosophie s'est moquée depuis quelque temps des momeries du catholicisme, mais si elle osait élever la voix, le gouvernement la forçait de se taire en l’enfermant dans les cachots de la Bastille. Et comment la tyrannie aurait-elle pu ne pas répandre la superstition? Les deux furent nourries dans le même berceau, les deux sont les filles du fanatisme, toutes deux servies par des êtres inutiles, appelés «prêtres» au temple et «monarques» sur le trône: ils ne pouvaient que former les mêmes fondations et se protéger mutuellement.
Le gouvernement républicain seul pouvait, en brisant le sceptre, anéantir d'un coup une religion sanglante qui, avec ses poignards sacrés, assassine si souvent des hommes au nom du dieu qu'ils n'acceptent que pour servir les passions de ses impurs sbires. Il ne fait aucun doute qu’avec de nouvelles mœurs, nous devons adopter une nouvelle religion car celle d'un esclave juif des Romains ne convient qu'aux enfants de Scaevola.
Législateurs, le chemin est tracé. Suivons-le d'un pas ferme, et surtout soyons conséquents en envoyant la courtisane de Galilée se reposer des ennuis qu'elle a pris en nous faisant croire pendant dix-huit siècles qu'une femme peut accoucher sans cesser d'être vierge. Renvoyons tous ses acolytes: ce n'est qu'au temple de la raison que nous pouvons encore vénérer Sulpicius, Paul, Marie-Madeleine et Catherine. Que les précieux monuments souillés de mensonges soient immédiatement consacrés à des usages plus majestueux; adorons les vertus là où nous avions vu des chimères; que l'emblème de la vertu morale soit placé dans chaque église sur le même autel où des vœux sans valeur étaient offerts aux fantômes. Que cet emblème expressif, la piété filiale, la grandeur de l'âme, le courage, l'égalité, la bonne foi, en enflammant nos cœurs, nous fasse passer immédiatement de l'idolâtrie à la sagesse.
Donatien Alphonse François de Sade
Lien de l’article en anglais:
https://www.marxists.org/history/france/revolution/1793/de-sade-petition.htm