Mensonges lors d'un enterrement: Bill Clinton et Barack Obama font l’éloge de la justice raciale au nom de John Lewis
Par Paul Street pour Counterpunch le 5 août 2020
Les nouvelles formes de racisme.
Quiconque trouve qu'il était normal et approprié que le copain de Jeffrey Epstein, Bill Clinton, soit invité à faire un discours lors des funérailles de John Lewis, une ancienne icône des droits civiques des Noirs, devrait lire le remarquable livre d'Elaine Brown paru en 2002: La condamnation de Petit B. Dans ce texte radical classique de la littérature noire, Brown - un ancien président de Black Panther - a tenté d'expliquer comment la ville d'Atlanta, y compris ses éminents citoyens noirs, avait injustement condamné un pauvre garçon noir de 14 ans, Michael Lewis, pour le meurtre d'un homme blanc se rendant dans un repaire de drogues bien connu au sein de l'un des ghettos noirs de cette ville. Brown a montré comment la condamnation de Lewis était «effectivement prévisible», à cause du «racisme new age des libéraux, Blancs et Noirs de la classe moyenne, qui ont abandonné la cause des droits civiques et de l'égalité des chances».
Le chapitre le plus incisif du livre de Brown était intitulé «L'abandon». Brown a montré comment un grand nombre de Noirs, appartenant à l’élite bourgeoise (sa liste comprend William Julius Wilson, Henry Louis Gates, Jr., Colin Powell, Vernon Jordan, la plupart des membres du Congressional Black Caucus et, bien sûr, Oprah Winfrey), se sont alignés sur le racisme néolibéral insidieux et «post-racial» des Clinton.
Brown a montré que ces faux dirigeants noirs avaient rejoint les Clinton et autres élites blanches pour :
- Calomnier et essayer de supprimer le radicalisme noir.
- Soutenir la suppression, par Bill Clinton, de l’aide sociale à des millions de femmes et d’enfants noirs pauvres.
- Soutenir le corporatisme vicieux des Clinton s’opposant aux efforts visant à fournir une assurance maladie gouvernementale, au niveau national, en tant que droit humain, aux pauvres, Noirs ou autres Américains.
- Soutenir le projet de loi raciste de Bill Clinton, intitulé Loi des Trois coups (Three strikes law), et visant à prononcer des peines de prison plus sévères.
- Blâmer les Noirs pauvres pour l’oppression dont ils sont victimes. Les élites bourgeoises noires ont applaudi lorsque le président Clinton «a eu l’audace de réprimander» les Noirs américains «pour avoir créé eux-mêmes l'état déplorable de l'Amérique noire», a écrit Brown.
Le sociopathe Bill Clinton: «Trop loin vers Stokely»
Il était donc pathétique mais prévisible de voir le raciste et violeur Bill Clinton invité à prendre la parole lors des funérailles de John Lewis la semaine dernière. Conformément à la façon socio-pathologique qu’il a de passer d’un bord à l’autre, Clinton (qui semble se considérer comme un porte-parole des Noirs) pensait que la mission lui donnait le droit de déféquer sur l'héritage historique du grand combattant de la liberté noire Kwame Ture (1941-1998), autrefois connu sous le nom de Stokely Carmichael. «Pendant deux ou trois ans, le Mouvement [des Droits Civiques du milieu des années 1960] est allé un peu trop loin vers Stokely, a estimé Clinton, mais à la fin, c’est John Lewis qui a prévalu.» Pour cette remarque, Clinton a reçu et méritait une gifle retentissante de la part de l'historienne noire Barbara Ransby :
«Qui est Bill Clinton pour décider si Ture est allé «trop loin» lorsqu'il était à la tête du SNCC? Et comment, lors d'un service commémoratif pour un autre, ose-t-il taper sur un dirigeant du Mouvement de la liberté noire, décédé depuis plus de 20 ans? Trop loin vers quoi: «la liberté»?
Kwame Ture était un ancien étudiant de l'Université Howard de Trinidad, un orateur puissant et un intellectuel brillant. Il s'est inspiré de Martin Luther King Jr., Malcolm X et Fannie Lou Hamer, et à la fin des années 1960, il était devenu un révolutionnaire déterminé.
Ture a fait d'énormes sacrifices personnels pour sa vision de la libération. Il croyait que le système capitaliste, la suprématie blanche, l'impérialisme et le libéralisme paternaliste blanc devaient être éliminés, pour que la vraie liberté humaine s'épanouisse.
Après avoir quitté le SNCC, Ture a travaillé brièvement avec le parti des Panthères Noires (Black Panther Party), puis a déménagé en Afrique de l’Ouest et a fondé le Parti Révolutionnaire du peuple africain. Il a écrit, voyagé, agité et organisé, n’acquérant guère de renommée et ne gagnant jamais beaucoup d'argent. Il avait été emprisonné, harcelé et menacé pendant son travail dans le Sud. Il était devenu proche de certains des combattants de la liberté les plus implacables du Mississippi et de l'Alabama, et plus tard des dirigeants anticoloniaux héroïques de tout le continent africain.
Pendant certaines de ces premières années, il s'est battu aux côtés de John Lewis, puis les deux hommes ont pris des chemins différents.»
La présence de Bill Clinton sur la scène funéraire de Lewis - et son attaque méprisable contre Kwame Ture - n’était pas moins offensante que le refus de cet autre copain d’Epstein, Donald Trump, de lui rendre hommage en assistant aux obsèques de Lewis.
Tout aussi inapproprié en tant que participant à l’éloge de Lewis la semaine dernière se trouvait George W. Bush - l'homme qui a laissé la Nouvelle-Orléans noire se noyer tout en dépensant les milliards de dollars qui devaient être investis pour répondre aux vastes besoins des ghettos de la nation pour perpétrer l’invasion criminelle et l’occupation meurtrière et raciste de l'Irak.
Barack Obama a délaissé une Amérique noire dont il a nié l'existence: l’éviction du révérend Wright
Mais qu’en est-il de l’orateur le plus illustre et le plus médiatisé présent à l’enterrement, Barack Obama, décrit avec justesse par le grand révolutionnaire noir, le Dr Cornel West, comme «un Clinton au visage brun»? En tant que premier président noir du pays, il détenait le rôle principal aux funérailles de Lewis. Mais Obama non plus n'était pas bien placé pour célébrer un ancien leader de la grande lutte des années 1960 pour l'égalité des Noirs. Il a été un président profondément conservateur, héritier des années 60, après tout, qui a sauvé sa candidature à la campagne primaire de 2008 en se séparant de son ministre noir Jeremiah Wright parce que ce dernier avait montré trop de colère contre le racisme profondément enraciné de l'Amérique (et contre son impérialisme).
90/10 pour cent: dépasser la «race», avec Barack
Le rejet, à la mode Mac Carthy, du révérend Jeremiah Wright a été officialisé lors d’un discours pro-Blancs et pro-Israël, qualifiant l'oppression raciale américaine comme rien de plus qu'une séquelle du passé. Ce discours intervenait après des entretiens au cours desquels Obama avait admonesté Wright pour avoir «analysé les événements publics dans un contexte racial». Un an plus tard, il y eut un discours dans lequel Obama a affirmé sans craindre le ridicule à un public noir de Selma, en Alabama, que les Noirs avaient parcouru 90% du chemin vers l'égalité aux États-Unis.
Après que John Edwards ait dit avec précision lors d’un débat public en Caroline du Sud, au début de 2008, que les familles noires américaines possédaient «en valeur nette 10% de ce qu’avaient les familles blanches», Obama a réprimandé les médias «post-raciaux» pour s'être «trop concentrés sur la race en Caroline du Sud». Certes, «la race est un facteur [!] dans notre société», a daigné admettre un Obama désormais «post-racial », mais a-t-il ajouté, il est « convaincu que les Blancs, les Noirs, les Latinos, les Asiatiques, veulent aller au-delà de nos divisions…»
Blâmer les victimes noires, pas l'oppression blanche
La tendance d’Obama à minimiser le rôle du racisme systémique et à mettre l’accent sur le rôle de la responsabilité personnelle et culturelle des Noirs dans la création des graves inégalités raciales de la nation a duré jusqu’à sa présidence. Comme l'a noté le brillant érudit noir William A. Darity Jr. dans un essai incisif de décembre 2016 intitulé «Comment Barack Obama a délaissé les Noirs américains», le président Obama a fortement appuyé l'affirmation des suprémacistes blancs selon laquelle les difficultés économiques des Noirs résultaient de leur propre «comportement autodestructeur ou dysfonctionnel». Dans l'un des nombreux exemples de ce discours récurrent que Darity a notés, Obama a déclaré aux diplômés de 2013 du Black Morehouse College, historiquement noir, que les jeunes hommes noirs n'avaient «aucune excuse», et il a imputé les difficultés des Noirs en Amérique à l’absence des pères.
Darity a décrit avec un dégoût à peine dissimulé ce qu’il avait vu et entendu de la part d’un président techniquement noir qui s’est refusé à proposer des solutions politiques aux nombreux obstacles interdépendants à la promotion et à l’égalité des Noirs générés par le racisme structurel et institutionnel profondément ancré dans la nation: «Il a été préjudiciable que Barack Obama, un homme noir parlant du haut de sa position de Président, renforce la conviction largement répandue que l'inégalité raciale aux États-Unis est, dans une large mesure, de la responsabilité directe des Noirs. L’élément décisif pour moi n’est pas simplement son silence sur les violences physiques et émotionnelles infligées par les Blancs contre les Noirs américains, mais son refus d’accepter que le racisme américain est la raison principale de la disparité persistante entre les Noirs et les Blancs.»
Darity a noté l’ironie du seul et unique programme d'Obama conçu spécifiquement pour les Noirs américains - un programme basé sur l'idée que la disparité raciale concerne en grande partie le comportement des Noirs: «L'administration Obama a lancé une initiative majeure, spécifique, mais c'est l'exception qui confirme la règle, aux Noirs. Tous les problèmes en jeu y sont exposés. My Brother’s Keeper (le gardien de mon frère) est un programme fondé sur l’idée que les jeunes hommes noirs constituent un problème social et qu’une intervention est nécessaire pour modifier leur vision et leurs actions. L’accent est mis sur la réforme des jeunes hommes plutôt que sur l’augmentation directe de leurs ressources et de celles de leur famille et sur la suppression des contraintes auxquelles ils sont confrontés. Encore une fois, la motivation idéologique sous-jacente est l’affirmation d’une carence culturelle noire, et, encore une fois, ce type d'initiative dérive de l’incapacité à poursuivre des politiques audacieuses affrontant les causes fondamentales de la disparité raciale dans la société américaine».
Transformer les personnes qu'il n'a pas réussi à protéger
L'échec d'Obama à se battre de manière significative pour l'égalité des Noirs et la justice raciale, au-delà de la réalité symbolique de sa présence techniquement noire à la Maison-Blanche, était d'autant plus déprimant à la lumière du fait désagréable que sa présence au poste le plus élevé du pays a déclenché une réaction raciste blanche sur laquelle on pouvait compter pour cibler les Noirs américains qui ne possédaient pas le statut économique élevé et les protections des Obama. Obama n'a rien ou presque rien fait pour faire progresser ou pour protéger les Noirs américains tout en les exposant à une haine et à des agressions intensifiées de la part des Blancs qui, malheureusement mais de manière prévisible et absurde, ont considéré que la présidence d'Obama signifiait que les Noirs et autres non-Blancs avaient devancé les Caucasiens et étaient maintenant en train de «prendre le contrôle du pays». Une conviction ridicule que Donald Trump a été plus qu'heureux d’attiser et d'exploiter.
«L'outil le plus puissant que nous ayons»
L’oraison funébre d’Obama la semaine dernière ne fait pas allusion à la justice sociale. Dans une oraison policée de 40 minutes faisant l'éloge de Lewis devant un public majoritairement noir, Obama s'est prononcé avec passion contre la façon dont «les personnes au pouvoir… font de leur mieux pour décourager les gens de voter en fermant les bureaux de vote et en ciblant les minorités et les étudiants avec des lois restrictives sur l'identité, en attaquant nos droits de vote avec une méthode – allant même jusqu’à saboter le service postal à l'approche d'une élection qui dépendra des bulletins de vote par correspondance, afin que les gens ne tombent pas malades. Obama a également parlé avec colère et éloquence de la façon dont «nous pouvons voir notre gouvernement fédéral envoyer des agents pour utiliser des gaz lacrymogènes et des matraques contre des manifestants pacifiques».
Mais Obama n’a pu se résoudre à citer Donald Trump par son nom et a omis de mentionner l'utilisation par les paramilitaires de Trump de balles en caoutchouc mortelles et d'autres «munitions à impact». Obama n’a pas utilisé le mot en F - fascisme - qu'il avait appliqué à juste titre à Trump dans sa conversation privée avec Tim Kaine en octobre 2016 (voir ci-dessous). Obama n'a naturellement rien dit sur le remarquable soulèvement antifasciste populaire qui semble avoir contraint les paramilitaires à la retraite à Portland. Kwame Ture n'aurait pas été aussi timide.
Obama a gravement dévalorisé l'importance des mouvements sociaux et des protestations au-delà du cycle électoral - le type même d'engagement politique qui a conduit John Lewis sur la scène de l'histoire en premier lieu - en disant à son auditoire que «le droit de vote est l'outil le plus puissant que nous ayons» et que le vote est «l'action la plus importante que nous puissions entreprendre au nom de la démocratie». Ce qui est tout simplement faux, comme le montre clairement l’étude de l'histoire américaine (voir en particulier à ce sujet: Howard Zinn, A People's History of the United States, Jeremy Brecher, Strike !, et Frances Fox Piven et Richard Cloward, People's Movements : Why They Succeed, How They Fail).
L’année 2220
Le discours d’Obama s’est terminé par des références insipides à la marche graduelle et supposée en avant de l’histoire américaine vers «une union plus parfaite». Obama a porté le gradualisme à un nouveau niveau lorsqu'il a suggéré qu'il faudrait peut-être «deux cents ans» avant que nous atteignions cette «union plus parfaite».
Deux cents ans? L'ancien président a-t-il récemment examiné des données climatiques? Comme l’écrit l’historien et journaliste de gauche Terry Thomas, «la planète sera alors un projet archéologique passionnant pour les extraterrestres.»
Merci, Obama.
«Tchats privés» contre Obama en public
Le New York Times a rapporté que «M. Obama a pulvérisé son successeur, mais sans le nommer» dans son oraison funèbre. De peur que le fait de mentionner le refus obstiné d'Obama à nommer Trump ne donne de l'ancien président une image trop débonnaire, les journalistes du Times, Maggie Astor et Shane Goldmacher, ont ajouté que «lors de récentes conversations privées avec des donateurs démocrates, M. Obama a attaqué plus directement M. Trump, l'accusant de faire campagne en suscitant des ressentiments «nativistes, racistes, sexistes»…» Astor et Goldmacher n’ont rien dit sur la différence persistante et révélatrice entre : a) les critiques très franches, directes et énergiques qu'Obama prononce en privé, devant les élites riches, à propos de Trump, et b) les critiques bénignes et indirectes en public, à propos du quarante-cinquième président (qui reste anonyme pour Obama).
Des «tchats privés» (avec des élites) en effet. Voici ce qu'Obama a dit à Tim Kaine, candidat à la vice-présidence démocrate de Hillary Clinton, au cours du dernier mois de la campagne présidentielle de 2016: «Tim, rappelez-vous, ce n’est pas le moment d’être puriste. Vous devez garder un fasciste hors de la Maison Blanche.» (Tout en évitant de conseiller à Tim Kaine de n’être pas trop gauchiste, ce que voulait dire réellement «pas le temps d'être puriste»), Obama avait raison de décrire son successeur comme un fasciste (chose dont quelques commentateurs politiques démocrates traditionnels s’avisent tardivement, après Lafayette Square et Portland). Comparez avec ce qu'Obama a dit au peuple américain (avec un sourire sur le visage et un Joe Biden souriant à sa droite), moins d'un mois plus tard, un jour après l'élection de Trump à la fonction la plus dangereuse du monde :
«Aujourd’hui, tout le monde est triste quand son camp perd une élection. Mais le lendemain, nous devons nous rappeler que nous sommes en fait tous dans une seule équipe. Nous ne sommes pas Démocrates d’abord. Nous ne sommes pas Républicains d’abord. Nous sommes d'abord Américains. Nous sommes d'abord des patriotes. Nous voulons tous ce qu’il y a de mieux pour ce pays. C’est ce que j’ai entendu dans les remarques de M. Trump hier soir. C’est ce que j’ai entendu lorsque je lui ai parlé directement. Et cela m’a donné de l’espoir. C’est ce dont le pays a besoin: un sentiment d’unité, un sentiment d'inclusion, un respect de nos institutions, de notre mode de vie, de l'état de droit, et un respect mutuel. J'espère qu'il maintiendra cet esprit tout au long de cette transition, et j'espère vraiment que c'est ainsi que sa présidence aura une chance de commencer… Le fait est que nous devons tous avancer, avec une présomption de bonne foi en nos concitoyens. Parce que la présomption de bonne foi est essentielle dans une démocratie dynamique et fonctionnelle. C’est ainsi que ce pays a progressé pendant 240 ans. C’est ainsi que nous avons repoussé les limites et promu la liberté dans le monde. C’est ainsi que nous avons élargi les droits sur lesquels nous avons fondé notre pays à tous nos citoyens. C’est ainsi que nous sommes arrivés jusqu’ici.
Et c’est pourquoi je suis convaincu que cet incroyable voyage que nous faisons en tant qu’Américains se poursuivra. Et je tiens à faire tout ce que je peux pour m'assurer que le prochain président y parviendra. Je l'ai déjà dit, je pense que ce travail est une course de relais - vous prenez le relais, vous courez votre meilleure course, et j'espère qu'au moment où vous le transmettez, vous avez un peu avancé, vous avez fait un peu de progrès. Je peux dire que nous l'avons fait, et je veux m'assurer que la transmission est bien exécutée, car en fin de compte, nous sommes tous dans la même équipe.»
«L'Amérique [les Américains] d'abord!» Ces commentaires effrayants et loufoques, horribles à lire trois ans et demi après la présidence apocalyptique et néofasciste de Trump, incarnent le discours standard, gavé de bromure, d'Obama depuis qu'il s’est fait connaître avec un discours à la Convention nationale démocrate (veuillez consulter ma réponse en temps réel, intitulée Keynote Reflections), où il proclamait: «Il n'y a pas une Amérique noire et une Amérique blanche et une Amérique latino et une Amérique asiatique - il y a les États-Unis d'Amérique.»
«C'était comme si…»
Lors de son discours, dans la Roseraie de la Maison Blanche, au lendemain de l'élection du cancer fasciste orange, Obama a martelé la prétendue grandeur «démocratique» de l'Amérique et les visions et valeurs partagées de tous les Américains sans distinction de race, de couleur, de croyance, de sexe, de nationalité, de classe et de parti. Ce sont toujours les mêmes tirades éculées qu'Obama, ainsi que beaucoup de ses fans, confond avec l'éloquence lincolnesque depuis son arrivée sur la scène politique nationale à l'été 2004. Réfléchissant au discours tout aussi accommodant d'Hillary Clinton en 2016, la splendide expatriée russe Masha Gessen a écrit une critique tranchante qui pourrait être facilement appliquée à l'oraison post-électorale d'Obama dans la Roseraie :
«C'était comme si Donald Trump n'avait pas, au cours de sa campagne, promis d'expulser les citoyens américains, promis de créer un système de surveillance ciblant spécifiquement les musulmans américains, promis de construire un mur à la frontière avec le Mexique, prôné les crimes de guerre, approuvé la torture et menacé à plusieurs reprises d'emprisonner Hillary Clinton elle-même. C'était comme si ces déclarations et bien d'autres pouvaient être annulées comme une hyperbole de campagne et que maintenant, la campagne étant terminée, Trump aurait hâte de devenir un homme politique régulier et respectueux des règles de l'ère pré-Trump.».
À propos du premier et du meilleur livre de Richard Hofstader
John Lewis était un homme charmant. Je l'ai rencontré (il avait une présence indéniable) une fois dans un aéroport (Reagan ou Hartsfield) et je lui ai posé quelques questions sur l'histoire du Mouvement des droits civiques. (Je donnais à l'époque un cours sur l'histoire des États-Unis après la Seconde Guerre mondiale.) Il a gentiment pris le temps d’y réfléchir et de répondre, et a souhaité bonne chance à mes élèves et à moi.
Il est dommage que John Lewis se soit complètement englouti dans ce syndicat criminel de la classe dirigeante impérialiste qu’est le Parti démocrate.
À un moment donné de son discours funèbre de John Lewis, le sociopathe Bill Clinton a noté qu'en tant que jeune activiste Lewis gardait dans son sac à dos une copie du texte classique de 1948 de l'historien américain estimé Richard Hofstader, The American Political Tradition and the Men Who Made It. Comme Clinton ne le savait peut-être pas et ne l’aurait pas dit même s’il le savait, ce livre - la première, la meilleure et la plus à gauche des publications de Hofstader - soutenait que les principaux hommes d'État et présidents américains des deux côtés du système binaire de partis - Jeffersonians v. Hamiltonians, Whigs contre Démocrates, Républicains contre Démocrates - partageaient une vision de la bonne société et de la «démocratie» strictement limitée par les prérogatives étroites de la richesse, de la propriété et du pouvoir concentrés - en d'autres termes par un capitalisme expansionniste, rapace, oppresseur et raciste. J'ai lu la monographie magistrale (pour l'époque) de Hofstader, alors que j’étais un jeune étudiant de 19 ans à la «petite école rouge dans la prairie» (le département d'histoire autrefois très marxiste de la Northern Illinois University), dans une Enquête sur l'Histoire des Etats-Unis, enseignée par le grand historien Nouvelle Gauche de l’ère coloniale et révolutionnaire de l’Amérique, Alfred Young. C'était, pour moi, une lecture enrichissante (c’est assez ironique, étant donné la réaction conservatrice plus tardive de Hofstader à la montée de la Nouvelle Gauche). Cela m'a aidé à respecter la voie empruntée par Kwame Ture bien plus que celle de John Lewis.
Les présidences Clinton (42e) et Obama (44 e) ont confirmé la justesse de la thèse de Hofstader en 1948, pas moins que les présidences Reagan (40e), Bush (41e), Bush (43e) et Covid (45e). Ils n’ont pas peu contribué à forger le contexte à la Weimar qui nous a menés à la situation désastreuse, brun-orange, dans laquelle nous nous trouvons en ce moment.
Le prochain livre de Paul Street est: The Passive Resistance: Obama, Trump, and Politics of Appeasement. Il sera publié plus tard cet été par CounterPunch Books.
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