En Chine, l'appétit pour la viande diminue tandis que la révolution végétalienne s'installe
Les inquiétudes à propos des émissions de carbone et les crises alimentaires poussent à abandonner la consommation de viande considérée comme un symbole de richesse.
Une publicité pour des produits à base de plantes dans un magasin KFC à Hangzhou. Les chaînes internationales et nationales élargissent leur gamme de substituts de viande (Crédit photo: VCG/Getty Images)
Par Crystal Reid pour The Guardian le mardi 9 mars 2021
La vitrine d'un KFC dans la ville de Hangzhou, à l'est de la Chine, affiche l'image familière d'un monticule de nuggets. Mais le récipient, qui arbore le visage souriant du colonel Sanders, n’est pas habituel. Il est vert et les nuggets qu'il contient sont entièrement sans viande.
Durant les deux dernières années, après de nombreuses années au cours desquelles la consommation de viande par les classes moyennes chinoises a augmenté, manger du porc tous les jours étant le signe d’un nouveau confort financier et d’un certain luxe, les pousses vertes d'une révolution végétalienne ont commencé à germer. Bien que la Chine consomme toujours 28% de la viande consommée dans le monde, dont la moitié de la viande de porc, et que le marché de la viande y soit évalué à 86 milliards de dollars (62 milliards de livres sterling), les substituts de viande à base de plantes se taillent lentement une place auprès d’une nouvelle génération de consommateurs qu’alarment de plus en plus les crises alimentaires telles que le coronavirus et la peste porcine africaine.
Les villes les plus cosmopolites de Chine abritent désormais des groupes de médias sociaux, des sites web et des communautés consacrés aux modes de vie sans viande. VegeRadar, par exemple, a compilé des cartes complètes des restaurants végétariens et végétaliens dans toute la Chine. Selon un rapport du Good Food Institute , le marché chinois de la viande à base de plantes était estimé à 6,1 milliards de yuans (675 millions de livres sterling) en 2018 et devrait croître de 20 à 25% par an.
Yun Fanwei, une étudiante de 25 ans à Shanghai, fait partie d'une nouvelle race de végétariens désireux d’avoir plus de choix. «J'achète certains de ces faux produits carnés et beaucoup d'entre eux sont plutôt bons. Ils n'ont pas nécessairement le goût de la viande, mais c’est une bonne alternative au tofu», a-t-elle déclaré.
Le fait de manger de la viande était étroitement lié à l’accroissement de la richesse en Chine. Dans les années 1960, un Chinois consommait en moyenne 5 kg de viande par an. C’est passé à 20 kg, au moment de la campagne «Réforme et Ouverture» de l'ancien dirigeant Deng Xiaoping à la fin des années 1970, puis à 48 kg en 2015.
Une femme sent la viande avant de l'acheter au marché fermier de Xihua à Guangzhou, province du Guangdong, Chine. Après l'épidémie de coronavirus, la Chine a introduit de nouvelles réglementations sur le commerce et la consommation d'animaux sauvages. (Crédit photo: Alex Plavevski/EPA)
Mais en 2016, dans le cadre de sa promesse de réduire les émissions de carbone, le gouvernement chinois a présenté un plan visant à réduire de 50% la consommation de viande du pays. C'était une décision radicale, et jusqu'à présent, très peu d'autres gouvernements dans le monde ont inclus la consommation de viande dans leurs plans de réduction des émissions de carbone.
Les nouvelles directives, qui appelaient les citoyens à ne consommer que 40 à 75 g de viande par jour, ont été promues par une série d'annonces publiques mettant en vedette l'acteur Arnold Schwarzenegger et le réalisateur James Cameron. Depuis lors, peu d'autres mesures concrètes ont été prises, à l’exception du lancement par le président Xi Jinping, en août dernier, d’une «campagne des assiettes nettoyées» visant à diminuer le pourcentage «choquant et pénible» des 40% de nourriture qui vont directement des tables chinoises à la poubelle. Certains commentateurs ont souligné le fait que demander aux citoyens chinois de réduire leur consommation de viande était particulièrement impopulaire.
Mais les protéines alternatives sont considérées comme une possibilité de progrès. L'année dernière, lors des «deux sessions» parlementaires annuelles, Sun Baoguo, membre de la Conférence politique consultative du peuple chinois, a appelé à davantage d'investissements, de réglementation et de promotion de la viande artificielle.
Certaines des plus grandes chaînes internationales opérant en Chine n'ont pas tardé à parier sur la croissance des viandes alternatives. KFC vend désormais des nuggets de poulet végétaliennes, Burger King propose l’Impossible Whopper (un burger végétarien) et Starbucks sert des pâtes et des salades Beyond Meat.
Mais les entreprises nationales s’y mettent également, pariant sur un soutien de l’Etat, notamment parce que le gouvernement pourrait considérer les protéines alternatives comme un moyen de permettre aux citoyens de s’offrir le «luxe» de la viande tout en participant à la réduction des émissions de carbone. Cet optimisme a conduit plusieurs concurrents chinois à entrer sur le marché aux côtés de sociétés internationales telles que Cargill, Unilever et Nestlé, et des fabricants de viande végétalienne Impossible and Beyond.
Sachets d'OmniPork à base de plantes en vente dans une épicerie végétalienne Green Common à Hong Kong (Crédit photo: Getty Images)
OmniFoods, qui a été lancé à Hong Kong en 2018, qui fait partie d'un groupe de start-ups régionales en compétition pour gagner des parts de marché, a récemment ouvert un magasin et un restaurant végétaliens multimarques à Shanghai et placé son produit phare, OmniPork, chez McDonald's, à Hong Kong, et chez Aldi, White Castle et Starbucks, sur le continent. La société, qui prévoit de se développer dans treize pays cette année, vient également de se lancer en douceur au Royaume-Uni grâce à Veganuary. OmniPork a été transformé en toutes sortes de choses, depuis des Scotch eggs jusqu’au Bibimbap coréen dans des restaurants participants.
Le fondateur d’OmniFoods, David Yeung, espère que l’ouverture d’une fabrique en Chine permettra d’abaisser le coût de ses produits. Les protéines végétales coûtent généralement beaucoup plus cher que leurs équivalents en viande, ce qui représente un obstacle majeur, lorsqu’il s’agit d’inciter les commerçants chinois, connus pour leur sens de l’économie, à franchir le pas. «Il est certain que la simplification de la logistique et la diminution des intermédiaires créeront des économies d’échelle et influeront sur la chaîne de valeur. Si nous parvenons à diminuer ces coûts en Chine, nous pouvons prévoir une grosse baisse des prix», dit Yeung.
Z-Rou, basée à Shanghai, produit un substitut de viande hachée à base de plantes que l’on trouve déjà dans les cantines de certaines des bonnes écoles, des hôpitaux et des entreprises internationales de Chine. Son PDG, Franklin Yao, cible les leaders d'opinion et les consommateurs de la classe moyenne qui peuvent se permettre de faire des choix conscients. «Ils seraient même prêts à payer plus car ils savent qu'ils obtiennent un produit plus sain qui contribue à assurer l'avenir de la planète dont leurs enfants hériteront. C'est inestimable.»
Un chef prépare des spaghettis à la bolognaise avec des produits OmniPork à base de plantes tandis que David Yeung, co-fondateur et co-directeur général de Green Monday, regarde le restaurant Kind Kitchen à Hong Kong. (Crédit photo: Paul Yeung/Bloomberg/Getty Images)
Parmi les autres acteurs chinois figurent Zhenmeat, qui fabrique du bœuf, du porc et des écrevisses à base de plantes, et Starfield, dont un hachis à base d'algues a été transformé en plats dans certaines des principales chaînes de restaurant chinoises.
Yao admet que l'industrie est encore peu développée en Chine, mais il pense que les substituts sans viande deviendront bientôt très courants. «Les consommateurs chinois recherchent réellement des produits plus durables. Certes le lien entre la viande et l'environnement est encore faible au sein de la majorité de la population, mais l'intérêt est là et la Chine apprend vite.»
Cependant, sevrer les gens de la viande peut s'avérer plus difficile que certaines de ces entreprises ne le pensent. «J'ai déjà essayé un plat de porc braisé végétarien, mais ce n'est pas la même chose que de la vraie viande, a déclaré Bao Gege, un retraité de 64 ans. Le goût, la texture et les valeurs nutritionnelles ne sont pas comparables. Je ne réessaierais pas, même si c'est moins cher que la viande.»
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