Fukushima - un avertissement nucléaire

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Cela fait dix ans que deux catastrophes ont compromis l'une des plus grandes centrales nucléaires du monde, démontrant que l'énergie nucléaire ne peut jamais être sûre, selon Martin Empson

Par Socialist Worker le lundi 8 mars 2021

Les événements d'il y a dix ans dans la centrale de Fukushima devraient être un avertissement de l'histoire (Crédit photo: Yoshikazu Tsuno/AFP)

Les événements d'il y a dix ans dans la centrale de Fukushima devraient être un avertissement de l'histoire (Crédit photo: Yoshikazu Tsuno/AFP)

Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9,0 a eu lieu à environ 70 km à l'est du Japon.

Cela a provoqué une gigantesque vague de tsunami qui a entraîné d'énormes destructions. Près de 16,000 personnes sont mortes, 120,000 bâtiments ont été détruits et un autre million ont été endommagés.

Mais la nouvelle de cette destruction fut presque immédiatement éclipsée par la catastrophe qui frappa la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

Fukushima était l'une des plus grandes centrales nucléaires du monde avec six réacteurs. Elle avait été construite à la fin des années 1960 et au début des années 1970 par la société énergétique américaine General Electric et la Tokyo Electric Power Company (Tepco).

Aussitôt après le tremblement de terre, les réacteurs de Fukushima Daiichi se sont automatiquement arrêtés et l’on est passé à l'alimentation de secours. Celle-ci était nécessaire pour faire fonctionner les équipements essentiels, en particulier les pompes qui faisaient circuler l'eau afin de refroidir les réacteurs.

Mais, peu de temps après, la vague provoquée par le tsunami a percé des digues inadéquates, détruisant les infrastructures et inondant le complexe.

La production d'électricité de secours s’est arrêtée, et le pompage de l'eau destinée à refroidir les réacteurs a cessé.

Les travailleurs ont tout fait pour empêcher la catastrophe, mais la mort et les dévastations ont ralenti leurs efforts. Ils ont cherché à travers les décombres des batteries de voiture et d'autobus pour essayer de connecter des équipements de sécurité cruciaux permettant de découvrir ce qui se passait dans les cœurs des réacteurs.

Des années de sous-financement et de mauvaise gestion ont aggravé la catastrophe.

En 2002, Tepco a admis que les dossiers de sécurité avaient été falsifiés pendant des années, dissimulant notamment des preuves de fissures dans les réacteurs de toutes ses usines.

Falsification.

Cinq ans plus tard, Tepco a admis avoir falsifié les dossiers de deux cents incidents.

Après la catastrophe, la relation étroite entre Tepco et le gouvernement japonais a été dévoilée. Ce qui a contribué à protéger l'industrie nucléaire, tandis que le gouvernement  minimisait les risques.

Selon l'Union of Concerned Scientists (UCS) en 2012, vingt-deux membres de la Commission japonaise de sûreté nucléaire avaient reçu plus de 947,000 £ (NDT: environ 1,100,000 euros) de l'industrie nucléaire.

Ces liens ne sont pas uniques au Japon. L'industrie nucléaire est née de la nécessité de fabriquer des armes nucléaires. Et les usines continuent de fournir du matériel pour l'industrie de l'armement.

L'énergie nucléaire au Japon a pour origine la politique liée à la Guerre froide.

L'industrie nucléaire a permis la création d’emplois et donné lieu à des investissements dans des régions éloignées du Japon.

Dès les premiers jours de l'industrie nucléaire au Japon, il y a eu des liens étroits entre le gouvernement national, les autorités locales, l'industrie privée et la politique internationale.

Cette relation étroite permettait à Tepco de s'en tirer avec des mesures de sécurité laxistes, tandis que le gouvernement présentait le nucléaire comme un système énergétique sûr et économiquement viable.

Mais la vérité était bien différente, car le Japon est particulièrement sensible aux tremblements de terre. Et à mesure que l'industrie se développait, l'activité sismique devenait de plus en plus préoccupante.

Selon le récit de la catastrophe de Fukushima rédigé par des membres de l'UCS, «à maintes reprises, les services publics et les régulateurs ont minimisé ou ignoré la menace posée par les tremblements de terre».

Les auteurs expliquent que lorsque les habitants tentaient de mettre en doute la sécurité de cette industrie, ils étaient le plus souvent ignorés.

Ainsi, en 1979, des habitants de Kashiwazaki ont tenté d'empêcher Tepco de construire une nouvelle usine en arguant du fait que «le gouvernement n'avait pas procédé à des analyses adéquates de la géologie du site et avait négligé une ligne de faille active».

En 2005, un tribunal statua «qu'il n'y avait pas de ligne de faille». Mais deux ans plus tard, un séisme de magnitude 6,8 a frappé l'usine qui avait été conçue uniquement pour faire face à des tremblements de terre de moins de 6,5 de magnitude, entraînant un incendie.

Après la catastrophe de Fukushima, le sismologue Katsuhiko Ishibashi a déclaré que si «le Japon avait pris en compte les dangers plus tôt, nous aurions pu empêcher Fukushima».

L'industrie nucléaire japonaise a été coupable de deux erreurs.

Premièrement, ils ont minimisé la possibilité de mise en danger des réacteurs par des événements sismiques. Deuxièmement, ils n'ont pas envisagé de situations où plusieurs événements puissent se dérouler simultanément et n’ont pas planifié de réponse.

Leur planification des tremblements de terre se basait sur le fait qu'il était peu probable que des tremblements de terre se produisent conjointement avec d'autres catastrophes.

Un tsunami en 2004 a poussé à une réévaluation des risques liés à de tels événements. Mais même après cela, Tepco a décidé que les types de lignes de faille près de Fukushima ne provoqueraient pas de tsunami et a refusé de réviser ses plans, ce qui aurait pu réduire la catastrophe de Fukushima.

Lorsque la catastrophe a frappé Fukushima, les dégâts ont provoqué de multiples explosions, des fuites de radiations à multiples reprises, ainsi qu’une crise qui menaçait de s'aggraver rapidement.

En fin de compte, ce sont les travailleurs qui sont restés à leur poste pour arrêter la catastrophe qui ont finalement mis la situation sous contrôle.

Mortalité.

Ils ont travaillé dans des conditions dangereuses, proches des niveaux létaux de rayonnement et souvent avec un PPE inadéquat.

Ne sachant s'ils survivraient, les travailleurs ont écrit leur nom sur un tableau blanc dans la salle de contrôle principale pour s'assurer que leurs familles sauraient ce qui leur était arrivé.

Il ne fait aucun doute que leur courage dans les heures, jours et semaines qui ont suivi le tremblement de terre a empêché une catastrophe bien pire.

Plus de 160,000 personnes ont été forcées de fuir leurs maisons à la suite de Fukushima.

Aujourd'hui, les apologistes de l'énergie nucléaire suggèrent que nombre de ces personnes n'avaient pas besoin de fuir.

Mais en dehors du Japon, les principales autorités nucléaires pensent que l'ampleur de la catastrophe justifiait une évacuation plus importante que ce que le gouvernement japonais était disposé à organiser.

Dans la foulée, il y a eu une réévaluation mondiale de l'énergie nucléaire. D'énormes manifestations au Japon ont exigé la fermeture de l'industrie.

Aux États-Unis, l'industrie a fait valoir que Fukushima était unique et qu’une telle catastrophe ne pouvait pas se produire là-bas. Mais cet argument est basé sur de fausses prémisses.

Les événements à Fukushima se sont rapidement intensifiés parce que la combinaison d'un tremblement de terre et d'un tsunami a conduit à une panne d'électricité à l'usine.

Or cette panne totale de courant n'était pas prévue.

Bien que la combinaison spécifique d’un tremblement de terre et d’un tsunami puisse sembler improbable ailleurs, d'autres circonstances pourraient conduire au même résultat.

Aux États-Unis, 34 réacteurs répartis sur vingt sites sont bâtis en aval de grands barrages.

L'une de ces centrales, la station nucléaire d'Oconee en Caroline du Sud, se trouve en aval du barrage d'Hocassee.

1,4 millions de personnes vivent à moins de cinquante milles du complexe – ce qui est la zone recommandée par les autorités nucléaires américaines pour l'évacuation après Fukushima.

Fukushima a fait porter l’attention, dans le monde, sur la sûreté de l'énergie nucléaire. Mais il existe d'autres arguments importants contre cette forme d'énergie.

D'une part, l'industrie de l'énergie nucléaire a des liens étroits avec l'industrie des armes nucléaires.

Les déchets.

Un deuxième argument concerne les problèmes causés par les déchets nucléaires.

Des années après Fukushima, le gouvernement japonais doit encore faire face à 14 millions de mètres cubes de sol contaminé collectés dans les zones qui ont subi des retombées. Une estimation du coût du nettoyage est de 480 milliards de livres sterling.

Au fur et à mesure que la catastrophe se déroulait, les travailleurs ont trouvé des moyens de verser de l'eau de mer froide sur les réacteurs en surchauffe.

Une partie de cette eau a été rejetée dans l'océan Pacifique. Aujourd'hui, 1 million de tonnes d'eau radioactive se trouve dans des réservoirs spéciaux à Fukushima, et le gouvernement débat de les déverser dans l'océan.

L'industrie nucléaire et ses apologistes affirment que la nouvelle technologie nucléaire rend les accidents improbables et produira moins de déchets. Ce sont des arguments sans fondement. L'industrie nous a déjà laissé un héritage de déchets et de pollution qui entraîne un coût de nettoyage énorme.

Le gouvernement britannique estime le coût du démantèlement des centrales nucléaires existantes à au moins 131 milliards de livres sterling. C'est le contribuable qui paye cela - pas les entreprises nucléaires qui ont profité de la vente de l'électricité.

Les nouvelles usines prennent des années à construire et nécessitent à juste titre une analyse détaillée de la sécurité, ce qui explique leur coût élevé.

Une nouvelle usine à Sizewell C dans le Suffolk devrait coûter 18 milliards de livres sterling et une autre à Hinkley Point C dans le Somerset coûtera 22 milliards de livres sterling.

Il est urgent que le monde modifie la façon dont est utilisée l'énergie.

Mais cela ne peut pas signifier l’injection de milliards dans une industrie nucléaire qui promet beaucoup mais qui connaît des échecs et met d'innombrables vies en danger.

Les socialistes doivent se battre pour l’instauration de stratégies qui réduisent la consommation d'énergie, augmentent son efficacité, réduisent les déchets et reposent sur les énergies renouvelables.

Les infrastructures énergétiques doivent être retirées des mains des entreprises et placées dans la propriété publique.

Lien de l’article en anglais:

https://socialistworker.co.uk/art/51430/Fukushima+a+nuclear+warning

 

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