Comment Biden peut encore ruiner les chances de Trump de s'entendre avec la Russie

Publié le par La Gazette du Citoyen

L'administration américaine sortante dispose d'une panoplie d'outils pour entraver les projets du président élu
Par Alan Lolaev, chercheur invité au Laboratoire de géographie politique et de géopolitique contemporaine, École supérieure d'économie (Moscou) pour RT America le 3 décembre 2024 

 

Le président américain Joe Biden rencontre le président élu américain Donald Trump dans le bureau ovale de la Maison Blanche le 13 novembre 2024 à Washington (Crédit photo: Getty Images)

Le président américain Joe Biden rencontre le président élu américain Donald Trump dans le bureau ovale de la Maison Blanche le 13 novembre 2024 à Washington (Crédit photo: Getty Images)

La politique américaine à l’égard de la Russie et de l’Ukraine a toujours été l’un des aspects les plus importants et les plus controversés de la diplomatie américaine. En 2016, Donald Trump, alors candidat à la présidence, avait activement exprimé son désir de normaliser les relations avec la Russie. Cependant, ces projets se sont heurtés à une forte opposition, notamment de la part de l’administration sortante de Barack Obama. 
Ce contexte historique illustre comment les autorités en place peuvent utiliser une période de transition pour consolider leurs politiques, ce qui complique la capacité de leur successeur à procéder à des changements. Aujourd’hui, alors que Trump déclare son intention de résoudre le conflit en Ukraine «dans les 24 heures» après son retour à la Maison Blanche, il se heurte à des obstacles importants de la part de l’administration actuelle de Joe Biden, qui peut utiliser le temps restant jusqu’en janvier 2025 pour consolider sa trajectoire actuelle.
Obama, Trump et la Russie
Après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle de novembre 2016, l’administration Obama a pris plusieurs mesures qui ont considérablement compliqué les projets du nouveau président de normaliser les relations avec la Russie. Pendant sa campagne, Trump avait souligné la nécessité d’un rapprochement avec Moscou et d’une révision de la ligne dure de la politique étrangère américaine. Cependant, les actions d’Obama pendant la période de transition, entre novembre 2016 et l’investiture de Trump en janvier 2017, visaient à consolider la politique antirusse, rendant ces changements difficiles. Ces mesures ont créé une sorte d’«héritage» qu’il était politiquement et stratégiquement difficile pour Trump de modifier. En conséquence, une grande partie de sa rhétorique sur le rapprochement avec la Russie n’a pas été réalisée.
L’escalade diplomatique a été l’une des mesures clés. En décembre 2016, l’administration Obama a introduit un nouveau train de sanctions contre la Russie, invoquant des allégations de cyberattaques contre le Parti démocrate américain et d’ingérence dans les élections américaines. Ces sanctions comprenaient le gel des avoirs des organisations russes et des restrictions sur les contacts commerciaux. Dans le même temps, 35 diplomates russes ont été expulsés des États-Unis et deux installations diplomatiques, qui, selon Washington, avaient été utilisées pour des activités de renseignement, ont été fermées.
Parallèlement aux sanctions, l’administration Obama a activement promu dans le domaine public le récit de l’ingérence russe dans les élections. Les déclarations officielles de hauts responsables, les rapports des services de renseignement et de nombreuses apparitions dans les médias ont présenté la Russie comme une menace pour la démocratie américaine. Un élément important de cette campagne a été le transfert au Congrès et aux agences de renseignement d’une documentation abondante qui, selon Obama et son équipe, a confirmé l’ingérence russe. Cela a fait de la «menace russe» un thème central du discours politique et public, limitant considérablement la flexibilité de Trump dans ses relations avec le Kremlin. Toute tentative du nouveau président de poursuivre un rapprochement pourrait être interprétée comme une atteinte à la sécurité nationale ou même comme un soutien aux «actions hostiles» de Moscou. 
Durant cette période, Obama a également renforcé son soutien à l’Ukraine, en lui fournissant des ressources financières et politiques supplémentaires. Cela a renforcé la ligne de politique étrangère des États-Unis visant à contrer la Russie en Europe de l’Est. Cette décision symbolisait un engagement en faveur d’une approche intransigeante, qui impliquait de contenir Moscou en soutenant ses adversaires. En outre, l’administration Obama a renforcé ses relations avec les alliés de l’OTAN, en mettant l’accent sur son engagement en faveur de la sécurité collective. Cela a créé des obstacles supplémentaires à tout changement de politique future, car tout écart par rapport à la ligne dure pourrait être perçu comme un affaiblissement des engagements des États-Unis envers ses partenaires. 
Une attention particulière a été accordée à la pression politique exercée sur Trump lui-même. L'administration Obama a soutenu directement ou indirectement les enquêtes sur les liens possibles entre l'équipe de Trump et la Russie. Cette question a été largement évoquée dans les médias, façonnant l'image du nouveau président comme un homme politique dont les actions pourraient être influencées par des intérêts étrangers. Dans ce contexte, tout rapprochement avec Moscou était extrêmement risqué pour Trump en termes de concurrence politique intérieure.
Dans l’ensemble, les mesures prises par l’administration Obama pendant la période de transition ont été stratégiques et visaient à institutionnaliser une politique antirusse dure. De nouvelles sanctions, des mesures diplomatiques, un soutien accru à l’Ukraine et la promotion du discours de la «menace russe» ont créé un obstacle à tout changement de politique. Même si Trump était disposé à reconsidérer ses relations avec la Russie, il a dû faire face à d’importantes contraintes sur le plan de la politique étrangère et intérieure. L’atmosphère politique, médiatique et institutionnelle créée par Obama a effectivement privé le nouveau président de la capacité de mettre en œuvre rapidement ses plans de normalisation des relations entre les États-Unis et la Russie. Cet exemple montre comment une administration sortante peut utiliser la période de transition pour renforcer son héritage et limiter les actions de son successeur.
La boîte à outils de Biden pour stopper la stratégie ukrainienne de Trump
Aujourd’hui, en 2024, alors que Trump a de nouveau remporté l’élection présidentielle, ses objectifs affichés de désescalade rapide du conflit en Ukraine risquent de se heurter à une forte résistance de la part de l’administration en place. Biden peut prendre plusieurs mesures pour minimiser les chances de Trump de mettre en œuvre ses ambitions en matière de politique étrangère.
Premièrement, l’administration Biden peut augmenter l’aide militaire à l’Ukraine en accélérant les livraisons d’armes et en signant des contrats à long terme. Washington fournit déjà à Kiev une large gamme de systèmes d’armes, notamment des équipements de pointe tels que des systèmes de défense aérienne et des missiles à longue portée. Des accords à long terme pour de telles livraisons garantiraient un soutien militaire continu à l’Ukraine, même si Trump tente de l’arrêter après son investiture. Une première étape dans cette direction a été d’autoriser les forces ukrainiennes à utiliser des armes américaines pour des frappes sur le territoire russe, en particulier dans la région de Koursk.
Deuxièmement, le soutien financier à Kiev pourrait être accru par le biais de larges programmes d’aide. Une telle approche permettrait au gouvernement ukrainien de continuer à fonctionner et à mener des opérations militaires même si la nouvelle administration décide de réduire l’aide. Ces tranches pourraient être structurées juridiquement de telle sorte que leur annulation nécessiterait un processus d’approbation compliqué par le Congrès, ce qui rendrait plus difficile pour Trump d’agir dans cette direction.
Une troisième étape possible consisterait à conclure des accords politiques avec les principaux alliés des États-Unis en Europe. Biden pourrait renforcer la coordination avec l’OTAN et les pays de l’UE, notamment en s’engageant à long terme à soutenir l’Ukraine. Ces accords renforceraient non seulement l’implication de l’UE dans le conflit, mais créeraient également une pression supplémentaire sur Trump s’il tentait de revoir sa position. Le non-respect de ces engagements pourrait être perçu par les alliés comme une atteinte à l’engagement des États-Unis en faveur de la sécurité collective.
Le quatrième outil dont dispose l’administration Biden est le durcissement du régime de sanctions contre la Russie. L’imposition de sanctions supplémentaires à la fin du mandat de Biden pourrait compliquer leur annulation ultérieure, car cela nécessiterait un processus complexe impliquant l’approbation du Congrès. De plus, l’introduction de nouvelles sanctions avant le départ de Biden consoliderait la stratégie actuelle de pression sur la Russie et rendrait l’abandon de cette dernière politiquement risqué pour Trump.
Enfin, l’administration Biden pourrait intensifier la promotion publique de l’idée selon laquelle le soutien à l’Ukraine est d’une importance cruciale pour la sécurité nationale des États-Unis. En faisant valoir ces arguments dans la sphère publique, notamment par le biais des médias et des campagnes politiques, on créerait une pression supplémentaire sur Trump. L’abandon du soutien à l’Ukraine pourrait être présenté comme une menace pour les intérêts américains, ce qui compliquerait les changements de cap.
L’histoire des confrontations administratives aux États-Unis montre que les dirigeants sortants peuvent influencer considérablement la politique de leur successeur. Donald Trump en a fait l’expérience en 2016, et il est fort probable que l’histoire se répète en 2024. Joe Biden, doté d’un puissant pouvoir de pression, peut consolider la politique actuelle des États-Unis à l’égard de l’Ukraine, rendant plus difficile tout changement brutal après l’investiture de Trump. Ces actions risquent non seulement de prolonger le conflit, mais aussi d’intensifier les conflits politiques internes aux États-Unis.
URL de l'article en anglais: 
https://www.rt.com/news/608579-biden-ruin-trump-plans-russia/

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