Si l'Arménie rompait son alliance à Moscou, les Russes s'en moqueraient

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L'alliance russo-arménienne profite largement à l'Arménie, pas à la Russie

Par Anatoly Karlin pour The Unz Review le 28 avril 2018

Révolution de couleur arménienne

Révolution de couleur arménienne

Maintenant, bien sûr, je pense toujours que mon analyse ici est la suivante: les Arméniens soutiennent vraiment la Russie, et même quand ce n'est pas le cas, ils soutiennent certainement beaucoup moins l'Azerbaïdjan et la Turquie, et avec raison - mais si nous obtenons un gouvernement arménien anti-russe...

D'un autre côté, Saakachvili a également commencé à affirmer qu'il voulait de meilleures relations avec la Russie.

Donc, ce qui se passerait si l'Arménie demandait aux Russes de rentrer à la maison est que, tandis que les Starikov, les Dugin et les Russophile de l'Ouest piqueront une crise, les nationalistes russes resteraient plutôt indifférents à ce sujet.

Voici pourquoi:

1. L'Arménie bénéficie beaucoup plus de ces relations bilaterales que la Russie. Le lobby arménien est le lobby ethnique le plus puissant de la politique russe, et probablement le seul qui ait un impact perceptible sur la politique étrangère russe.

2. L'Arménie a été un véritable atout géostratégique pour l'Empire russe avant la Première Guerre mondiale, lorsque les Arméniens de l'Empire ottoman étaient un poignard potentiel dans le dos des Turcs. Leur désir de créer une Grande Arménie coïncidait bien avec le projet de démantèlement de l'Empire ottoman mené par la Russie pendant des siècles, et c'est la loyauté qui en découlait envers Petrograd qui, plus que tout, a stimulé le génocide arménien. Si la Russie avait gagné la guerre, une Grande Arménie aurait pénétré profondément en Anatolie, créant un pont terrestre orthodoxe vers le Liban et la Terre Sainte. Avec la Russie contrôlant Constantinople, et les Grecs recréant la Grande-Grèce, les Turcs auraient été coincés dans les hautes terres anatoliennes (peut-être qu'aucune autre nation que la Turquie n'a échappé à un destin aussi catastrophique grâce à la révolution russe). En fin de compte, c'est la Russie, pas la Grande-Bretagne ni les Etats-Unis, qui aurait régné sur la Méditerranée.

Aujourd'hui, ce ne sont que d'anciens rêves chimériques. La Méditerranée est un lac américain et le restera peu importe ce qui se passe en Syrie. La Turquie domine la région, économiquement et démographiquement; s'il y a un siècle environ il y avait autant de Grecs et d'Arméniens qu'il y avait de Turcs, il y a aujourd'hui 80 millions de Turcs pour 10 millions de Grecs et 3 millions d'Arméniens. Dans ce contexte, l'Arménie est stratégiquement surestimée. Enclavée, elle est entourée d'états hostiles et beaucoup plus puissants. Elle tient enfermé la Russie dans des engagements militaires via l'alliance de l'OTSC (l'Organisation du traité de sécurité collective qui est une organisation à vocation politico-militaire regroupant la Russie, la Biélorussie, l'Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, et le Tadjikistan) - par exemple, si les Turcs ouvraient un second front pour appuyer une invasion azérie du Haut-Karabakh. Et l'Iran, un partenaire et allié vraiment utile lui, est de toute façon accessible via la Caspienne.

3. Il n'y a qu'un nombre négligeable de Russes ethniques en Arménie. Un tournant anti-russe en Arménie n'aurait pas d'impact sur le bien-être des Russes ethniques. L'Arménie ne récolterait pas non plus les résultats de sa folie.

4. L'amitié de l'Arménie est très situationnelle. Certes, elle soutient la Russie aujourd'hui. Et les Juifs soutiennent également les États-Unis pour les mêmes raisons. Cela n'implique pas nécessairement une loyauté profonde, mais simplement que les deux États mettent en avant les intérêts génétiques et ethniques de leurs peuples respectifs. Quand ils percevront les choses autrement, ils le feront savoir. J'ajouterais une note historique obscure: La "tradition" des attentats terroristes du métro de Moscou a commencé avec les nationalistes arméniens dans les années 1970.

Cela n'est pas surprenant car la Russie n'a aucuns liens culturels, linguistiques ou génétiques profonds avec l'Arménie. Cette dernière possède sa propre civilisation ancienne qui est très distincte de celle de la Russie.

Maintenant, abandonner des alliés juste parce que vous savez qu'ils ne sont pas si sincères dans leur amour pour vous, ou parce qu'ils n'ont plus grand chose à offrir, cela n'est pas bien d'un certain côté. Ce n'est pas seulement mauvais d'un point de vue éthique, mais aussi vis-à-vis d'une réputation. De toute façon, qui voudrait être allié avec quelqu'un sans moralité? C'est pourquoi, contrairement à certains nationalistes russes, je ne suis pas favorable à la dissolution unilatérale de la relation spéciale avec l'Arménie. Ce serait déshonorant, et n'apporterait pas d'avantages évidents de toute façon - par exemple, ce n'est pas comme si cela allait faire de la Turquie un véritable ami. Cependant, ce n'est pas une excuse pour se laisser berner et s'en réjouir, donc si l'initiative venait des Arméniens eux-mêmes - eh bien, il n'y aurait aucune raison pour la Russie de ne pas en profiter.

Dans un tel scénario, l'Azerbaïdjan profiterait probablement dans les prochaines années de l'occasion pour résoudre le problème du Haut-Karabakh par la force. Au moins, voir les révolutionnaires de couleur implorer en vain de l'aide à leurs sponsors euro-atlantiques serait amusant. À ce stade, une Arménie croupion désillusionnée en fin de compte par l'Occident pourrait de toute façon renouer avec la Russie. Mais si ce n'était pas le cas, qui s'en soucierait, de toute façon. D'ici là ce serait encore plus hors de propos qu'aujourd'hui.

Le principal désavantage pour la Russie, mis à part l'évidente perte de sa dernière base militaire majeure (mais isolée) dans le Caucase du Sud, serait l'arrivée de centaines de milliers de réfugiés arméniens alors que les Azéris procèderaient à un nettoyage ethnique de cette région.

Juste pour clarifier. Je ne veux pas que l'Arménie devienne anti-russe, et - plus important encore - je ne pense pas qu'elle le deviendra. Considérant que les deux politiques étrangères nécessitent l'accord du Kremlin, ce point de vue n'est guère controversé.

Cependant, si la politique étrangère, le Kremlin et moi-même avions tout faux et que les gens qui voient une conspiration anti-russe derrière chaque révolution de couleur avaient raison après tout, au moins cela ne seraient pas les Russes qui en souffriraient contrairement à ce qui s'est passé en Ukraine.

Lien de l'article en anglais:

http://www.unz.com/akarlin/if-worst-comes-to-worst-in-armenia/

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